Oisans
Massif des Grandes Rousses
En cours de rédaction
 |
Le massif des Grandes Rousses (45°7'N, 6°6'E) est situé à l'est du
massif de Belledonne et au nord du bassin du Bourg-d'Oisans.
Largement dauphinois, isérois et uissan (1),
sa partie nord est néanmoins savoyarde et mauriennaise. D'orientation
générale nord-sud, c'est un massif cristallin en forme de sierra peu
échancrée qui culmine au Pic Bayle (3465 m) et au Pic de
l'Étendard (3464 m). Ses dimensions restent modestes : 25 kilomètres du nord au sud, entre le Col de la Croix de Fer et
la vallée de la Romanche et une dizaine d'ouest en est, entre la
vallée de l'Eau d'Olle et la vallée du Ferrand.
Il est habité uniquement dans les vallées qui le bordent,
Eau d'Olle à l'ouest et au nord-est, Arvan au nord et au
nord-est, Ferrand à l'est, Sarenne au sud. La station de
l'Alpe d'Huez et ses extensions en direction de Vaujany et
d'Oz ont largement remodelé son plateau sud et son versant
sud-est avec une couverture en remontées mécaniques qui s'étend jusqu'au
Dôme des Petites Rousses et au Pic du Lac Blanc (3323 m). |
Massif des Grandes Rousses - Versant est
Cliquer sur la photo pour
l'agrandir |
__________
C'est un massif bien individualisé dans le paysage et la
géographie, à ne pas confondre comme c'est parfois le cas, avec les sommets
situés plus à l'est, au delà du Col de la Valette,
en Haut Oisans (2).
Sa
structure géologique le rapprocherait plutôt du massif du Rochail
plus au sud. Il s'agit d'un bloc cristallin basculé, fracturé en mini-blocs que
l'on retrouve dans le
relief de son versant ouest avec 3 étages de gradins séparés par des
escarpements rocheux, et dont l'affaissement au nord et au sud a permis le
maintien de la couverture sédimentaire.
__________
Ces escarpements rocheux aux noms de : la Roche Noire,
les Petites Rousses, les Roches, les Rousses et
enfin les Grandes Rousses de la crête sommitale, ont donné leur nom au
massif. Celui-ci n'a en effet rien à voir avec la couleur des glaciers au soleil
couchant ou avec la couleur des roches, mais, comme bien souvent, résulte
simplement de la francisation de la désignation vernaculaire de la roche.
Les Petites Rousses, les Rousses et les Grandes Rousses
sont respectivement les petites roches, les roches et les
grandes roches !
Les anciennes cartes des années 1880 (3)
mentionnent le Sommet Sud (3473 m) et le Sommet Nord (3470 m) pour
respectivement le Pic Bayle (3465 m) et le Pic de l'Étendard (3464
m) et rajoutent le Sommet 3 (3332 m) pour le Pic du Lac Blanc
(3323 m). En clair, les topographes n'avaient pas noté de noms locaux. C'est le
curé d'Oz, Joseph Bayle, qui mentionnera le nom du
Pic de l'Étendard, dont l'origine est obscure, et qui proposera
l'appellation de Pic du Lac Blanc. Lui-même participa à la
conquête des sommets de l'Oisans et constitua à Oz un petit centre
d'alpinisme. Le point culminant de la commune, qu'il conquit, garde son
souvenir
(4).
Mont Savoyat (3345 m), Pic Bayle (3465 m) et Glacier des Quirlies |
Le Pic
Bayle avec 3465 m est le point culminant devant le Pic de
l'Étendard qui se contente de 3464 m. Ainsi en ont décidé les
derniers relevés qui ont déclassé le second au profit du premier.
Beaucoup de documents accordent encore 3468 m au Pic de l'Étendard
et 3467 m au Pic Bayle. |
 |
Cliquer sur la photo pour
l'agrandir |
Sa crête presque rectiligne est très peu échancrée et comporte
tous les principaux sommets, du nord au sud : Aiguille Noire (2997 m) ;
Dôme de la Cochette (3041 m) ; Cimes de la Cochette (3239 m, 3233
m, 3241 m) ; Cimes de la Barbarate (3242 m, 3291 m) ; Pic de
l'Étendard (3464 m), point culminant déclassé en perdant 4 m ; Crête des
Grandes Rousses qui reste entre 3434 et 3342 m ; Pic Bayle (3465 m),
nouveau point culminant en ne perdant que 2 m ; Pic de la Pyramide
(3382 m) ; Pic du Lac Blanc (3323 m) ; Sommets Nord (3129 m) et
Sud (3063 m) de Sarenne. Au-delà la crête s'abaisse jusqu'au Col
de Sarenne (1999 m) et se prolonge encore jusqu'à la Croix de Cassini
(2373 m) avant de plonger sur la Romanche. Le Pic de l'Herpie
(3012 m) se trouve sur une branche secondaire qui délimite le cirque du
Glacier de Sarenne.
Il n'y a qu'un seul chaînon transversal significatif, les
Crêtes du Petit et du Grand Sauvage, qui continuent l'arête est du
Pic de l'Étendard et qui délimite le bassin du Glacier de Saint-Sorlin.
Peu échancré lui aussi, il culmine aux Cimes du Petit Sauvage (3163 m) et
du Grand Sauvage (3216 m) et se termine au Mont Péaiaux (2958 m)
et à la Cime de la Valette (2858 m). Le Pic Bayle possède une
courte arête sud-est qui porte le Mont Savoyat 3345 m) et qui sépare les
cirques des Glacier du Gand Sablat et des Malatres.
__________
Le massif des Grandes Rousses a la plus grande partie de
son territoire située en Oisans
(Isère), mais sa partie nord, notamment tout le bassin du Glacier de Saint-Sorlin,
se trouve en Maurienne (Savoie), y compris la haute vallée de l'Eau d'Olle,
pourtant affluent de la Romanche, en amont du Lac de Grand-Maison
.
Il s'étend sur les territoires de 12 communes, 9 iséroises et 3
savoyardes :
-
à l'ouest, Oz et Vaujany situées sur les basses
pentes du massif dans la vallée de l'Eau d'Olle ;
-
au sud, Villard-Reculas et Huez situées à
mi-hauteur, plus Auris et la Garde au sud de la Sarenne,
et enfin le Freney-d'Oisans qui possède le haut de la vallée de la
Sarenne et le glacier jusqu'au Pic du Lac Blanc ;
-
à l'est, Clavans-en-haut-Oisans qui couvre tout le
versant est et Besse pour le haut du vallon de la Valette ;
-
au nord-est, Saint-Sorlin-d'Arves, du Pic de
l'Étendard au Col de la Croix de Fer, extrémité septentrionale du
massif, mais aussi Saint-Jean-d'Arves pour la Cime de la Valette
;
-
au nord, Saint-Colomban-des-Villards dans la haute
vallée de l'Eau d'Olle, de l'amont du Lac de Grand-Maison au
Col du Glandon.
La nature de son relief n'a pas permis l'implantation d'habitat
permanent à l'intérieur du massif. Celui-ci était et est encore vide.
__________
Longtemps frontalier
entre Dauphiné et Savoie et impossible à traverser, il ne fut
parcouru que sur ses bordures, par le Col du Sabot (2100 m) à l'ouest,
plus facile à parcourir que le Défilé du Maupas et dont le nom évoque la
Savoie, et par le Col des Prés Nouveaux (2292 m) à l'est par
où transitait le sel en direction de la Savoie. Plus au sud,
le passage de la voie romaine de l'Oisans est conjecturé par le Col de
Cluy (1801 m) et le Plateau de Brandes. L'IGN la mentionne sur
sa carte.
Les alpages constituent ou plutôt constituaient l'une des grandes richesses du
massif, en témoignent les nombreuses ruines de chalets et la toponymie.
L'Alpe d'Huez, bien d'avant d'être la station de ski que l'on connaît
aujourd'hui, était le hameau temporaire du village d'Huez occupé par ses
habitants de juin à septembre. C'était l'alpage d'Huez, le lieu de
pâturage des vaches et des moutons, le lieu de fenaison en prévision de l'hiver.
L'herbe, le cheptel (= capital) constituaient alors les principales richesses
des montagnards.
Malgré les conditions de vie en altitude, le Plateau de Brandes, déjà
évoqué, à deux pas de l'Alpe d'Huez, fut le théâtre au Moyen-âge d'une
incroyable exploitation minière de filons de plomb argentifère avec
l'installation d'un habitat permanent pour les mineurs. Mine moyenne à l'échelle
européenne, elle fut de première importance pour le Dauphiné, pour les
finances et le pouvoir du Dauphin (5). Un peu plus haut, la montagne porte encore
les traces des mines de charbon de l'Herpie dans la Combe Charbonnière,
la bien nommée.
Plus anciennement, à l'Âge du Bronze, des filons de quartz et de chalcopyrite
(un minerai de cuivre) sont exploités entre le Col du Couard et le Lac
Blanc sur le Plateau des Petites Rousses sur une quarantaine de sites
repérés. L'exploitation saisonnière à ces altitudes était faite par
abattage au feu (sapin, épicéa) et une partie du traitement du minerai était
réalisée sur place (6).
L'exploitation fut assez importante pour être repérable dans les sédiments du
Lac Bramant au nord du massif
(7).
Ces dernières années, des vestiges de mines ont été dégagés par la fonte de
névés persistants, alors que quelques années en arrière, personne ne savait les
localiser exactement. Des filons encore facilement exploitables ont été laissés
en place par les mineurs médiévaux, sans raison apparente... si ce n'est un
probable et brutal refroidissement
(8).
__________
La
2e moitié du XXe siècle vit le passage de l'ancienne civilisation pastorale à la
civilisation des loisirs. Les anciens alpages dont l'herbe était si riche et si
recherché autrefois cessèrent d'être exploités pour leur or vert estival mais le
furent pour leur or blanc hivernal. Des immeubles en tous genres, tous sens et
tous styles remplacèrent les vieux chalets d'alpage, les remontées mécaniques
gagnèrent les sommets et les bulldozers achevèrent de détruire les anciens
vestiges agricoles et allèrent jusqu'à modifier le relief au bénéfice des pistes
de ski. La station de l'Alpe d'Huez était née, les villages alentours qui
le purent vinrent se greffer dessus : Auris, Oz, Vaujany,
Villard-Reculas et indirectement le Freney-d'Oisans
(9). Sur l'autre
versant, Clavans a choisi un mode de développement plus doux et
harmonieux. En Savoie, le Domaine des Sybelles mord sur le nord du
massif. Le Glacier de Saint-Sorlin et le cœur du massif sont heureusement
classés préservant la pratique d'autres activités comme la randonnée,
l'alpinisme et le ski de montagne.
Si
l'impact des stations est bénéfique l'hiver, il est contreproductif l'été.
L'ampleur des terrassements, le nombre de remontées mécaniques visibles parfois
de loin et la ville à la montagne ont de quoi rebuter les estivants. Il vaut
mieux séjourner dans les villages et éviter la station, ses immeubles
disparates, ses animations bruyantes et son m'as-tu vu. Plus grave, le
développement des activités estivales montagnardes est sacrifié. Il n'y a
toujours que le seul Refuge de la Fare qui date de la fin du XIXe siècle
dans toute la partie iséroise du massif avec vue imprenable sur une réserve
collinaire qui fait tache. Quand on voit l'argent investi dans les
sports d'hiver et les aménagements déjà effectués, on comprend mal que quelques pouièmes ne l'aient pas été dans un nouveau refuge un peu plus haut en arrivant
sur le Plateau des Petites Rousses. Même les 21 virages de la route de
l'Alpe d'Huez et l'aura du Tour de France sont mieux exploités que
les possibilités de sports de montagne.
__________
Le
massif des Grandes Rousses est en même temps un château d'eau qui a
permis la mise en place d'une batterie à grande échelle avec l'ensemble
constitué par les Barrages de Grand-Maison et du Verney,
respectivement à 1698 m et 772 m d'altitude. La nuit, la production superflue
des centrales nucléaires est utilisée pour remonter l’eau du barrage aval vers
le Barrage de Grand-Maison (mis en service en 1985). Dans la journée, la
centrale hydroélectrique permet de fournir les compléments de production de
façon très souple. Les redevances liées à l'Usine
hydro-électrique du Verney sur la commune de Vaujany ont
été une manne pour le développement de la commune.
__________
...
__________
Notes :
(1) Uissan, adjectif relatif à
l'Oisans.
(2) On peut prolonger le massif en
direction du nord jusqu'au Grand Châtelard (2143
m) et jusqu'à la vallée de l'Arc, par contre
l'élargissement en direction de l'est et du Goléon
est moins justifié. Joseph Bayle limite
pour sa part le massif au Torrent du Gâ
(4).
Mais puisqu'il n'y a pas vraiment de nom géographique
officiel pour cette vaste zone correspondant à la rive
droite de la haute Romanche à l'est de la
vallée du Ferrand, nous adopterons le nom Haut
Oisans pour la désigner, nom d'ailleurs retenu pour
la commune de Clavans-en-Haut-Oisans.
(3) Carte au 1:100 000, tirage 1887,
feuille XXIV-28, le Bourg-d'Oisans et carte au
1:80 000, type 1889, Saint-Jean-de-Maurienne SO
(4) Bayle, 1880.
(5) Bailly-Maître, 1994 et 2015.
(6) Bailly-Maître, 2006.
(7) Guyard, 2007.
(8) Conférence de Marie-Christine
Bailly-Maître, janvier 2016.
(9) Le territoire du Freney-d'Oisans
englobe le Col de Cluy et le haut de la vallée
de la Sarenne jusqu'au sommet du Pic du Lac Blanc
(3323 m). Les pistes du Glacier de Sarenne sont
donc sur son territoire.
__________
Références :
Bailly-Maître, 1994 :
Bailly-Maître (M-C), Bruno Dupraz (J) -
Brandes-en-Oisans : La mine d'argent des dauphins.
Bailly-Maître, 1996 :
Bailly-Maître (M-C), Pissard (L) - Sur la piste des
troupeaux.
Bailly-Maître, 2004 :
id, id, Tane (F) - Huez - Alpe d'Huez : d'un village
de montagne à une station de ski internationale.
Bailly-Maître, 2006 :
Bailly-Maître (M-C), Gonon (T) - L’exploitation de la
chalcopyrite à l’Âge du Bronze dans le massif des
Rousses en Oisans (Isère) in
Traces.
Bailly-Maître, 2015 : Peloux (F),
Bailly-Maître (M-C), Viallet (H) -
L'histoire si curieuse des mines de Brandes, PUG,
2015.
Bayle, 1880 : Bayle (J) -
Exploration De L'Oisans : Les Grandes Rousses, Le
Glacier du Mont-de-Lans, Œuvres complètes, 2005.
Gidon, 2001 et seq. : Gidon (M) -
Geol-Alp : Atlas Géologique des Alpes
Françaises.
Guyard, 2007 : Guyard (H) et al -
High-altitude varve records of abrupt environmental
changes and mining activity over the last 4000 years ...
(Lake Bramant, Grandes Rousses), in Quaternary
Sciences Reviews 26 (2007) 2644-2660.
IGN : Carte TOP 3335 ET, Edition
2, 1997. Relevés de 1953 à 1977.
Tane, Hillairet : Tane (JL) et Hillairet (J) - L'Alpe d'Huez et le massif des
Grandes Rousses.
Lecture géologique des paysages.
Vivian, 1971 : Vivian (R) -
Les glaciers des Grandes Rousses, in Revue de
géographie Alpine. 1971, Tome 59 n°3. pp 429-432.
__________
Articles connexes :
Glaciers des Grandes
Rousses : Des glaciers en déroute
Glacier des Rousses :
Glacier des Rousses,
Glacier de la Fare,
Glacier de la Barbarate
Lacs des Rousses :
Plateau de l'Alpette, Plateau des
petites Rousses, Plan des Cavalles, Circuit des lacs,
Refuge de la
Fare
Vallée du Ferrand :
Glacier du Grand Sablat,
Glacier des Malatres,
Glacier des Quirlies,
Glacier de la Valette
Glacier de Saint-Sorlin
: Glacier de Saint-Sorlin,
Glacier de Côte Plan
Vallée de la Sarenne :
Glacier de Sarenne,
Huez,
la Garde
Vallée
du Vénéon
Massif des
Écrins ou Massif de l'Oisans