Voie romaine de 
l'Oisans
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La voie romaine dite 
aujourd’hui « de l’Oisans » 
reliait Grenoble (Cularo) à Briançon (Brigantio). Passant par le 
Col du Lautaret, elle traversait les territoires des tribus gauloises des 
Brigianii (vallée de la Guisane) et des Ucennii (vallée de la 
Romanche en amont de Gavet)
(1).

Table de Peutinger, fac-similé de Ernest Desjardins, 
Paris 1869
À mi-hauteur, la voie de Vienne (Vigenna) 
à Briançon 
Sur le terrain, il en reste 
deux vestiges 
importants :  à Rochetaillée (Le Bourg-d’Oisans) où la voie passait en 
encorbellement taillé dans le rocher au-dessus du paléolac qui recouvrait alors 
la plaine du Bourg-d’Oisans et à Bons (Mont-de-Lans, Les Deux Alpes) où subsiste 
un passage également taillé dans le rocher, dit « Porte de Bons », avant 
d’arriver sur le plateau.
Elle a fait 
l’objet de deux colloques, à 20 ans d’intervalle dont le dernier à Eybens en 
novembre 2022. Entre les deux, autant la connaissance a progressé concernant la 
voie en encorbellement, autant on tourne en rond à propos de la « Porte 
de Bons ».
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Passage de la voie 
romaine en encorbellement à Rochetaillée 
	
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Le site est remarquable car on peut voir 
sur environ cinq cents mètres les restes de la voie en plusieurs tronçons 
taillés dans la roche. Il faut s'imaginer la falaise bien dégagée avec un vaste 
lac et des marais à son pied et la voie romaine  constituée d'un plateau en 
bois accroché plusieurs mètres au-dessus.  
Figure ci-contre : 
 
Nouvelle hypothèse de voie romaine reconstituée. 
 
Actes 2022, p.32.  | 
	
Le deuxième tronçon 
[plan 
du site] a été numérisée et 
modélisée, ce qui a permis de comprendre comment la voie a été construite.
L'étude (2) a 
permis de trancher entre l'hypothèse d'un platelage reposant sur des pieux 
enfoncés dans le fond du lac  (comme sur la page de couverture des Actes du 
colloque) et un plancher de bois reposant sur un système de poutres taillées en 
queue d'aronde, renforcé par des jambes de force occupant des niches mises en 
évidence sous la voie et utilisées préalablement pour la creuser (figure 
ci-dessus). 
Pour aller plus loin, il apparaît 
nécessaire de numériser également le troisième tronçon qui semble présenter 
d’autres pièces de charpentes verticales de type potence pour un système de 
levage, ainsi qu’un platelage déporté de l’encorbellement, soit une structure 
plus complexe que celle présentée ci-dessus.

Des fouilles au pied des 
falaises pourraient 
en outre fournir beaucoup d'informations complémentaires concernant 
la voie et l'utilisation qui en a été faite au fil des siècles. Mais d'ores 
et déjà, il y a eu ici un réel apport de connaissances et ce n'est 
probablement pas fini. Bravo à Yoann Pesin et Lionel Albertino 
pour tout le travail effectué (2).
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La « Porte de Bons »
Il s’agit simplement d’un ouvrage d’art routier destiné à franchir un éperon rocheux dans un secteur 
abrupt de la montée de la voie romaine du fond de vallée jusqu’à Mont-de-Lans, identifié 
un temps à la station de Mellosedo (3). Il était constitué initialement 
d’un arc monumental taillé dans le rocher, avec possible fonction d'arc-boutant, 
dont une grande partie s’est effondrée dans 
les années 1770. Toutefois, sa fonction routière n'enlève rien à son « allure 
sobre et grandiose qui est le caractère des monuments romains » (4).
Autant son histoire (i.e. ce 
que l’on sait) est peu fournie, autant son historiographie (ici, ce que l’on a 
imaginé ou inventé à partir de rien) est foisonnante. Pourtant, elle ne doit son 
existence et son emplacement qu’à la présence de l’éperon rocheux à franchir, et 
non à d’autres considérations, telle que par exemple l'équidistance de Grenoble 
et de Briançon (5). Comme si sa finalité première comptait pour du 
beurre, occultée par la quête du sensationnel.

Concernant sa désignation, il 
est habituellement considéré qu’il s’agit d’une « porte » au sens courant et 
actuel du terme. Mais en toponymie, ce n'est pas du tout le cas. Le mot 
« porte » n’a pas ce sens mais a le sens général de ‘passage, col’, jusqu’à 
‘défilé, gorge’. Il ne nomme pas des « portes » au sens usuel du terme mais des 
cols, des passages étroits, des pas pentus (6), 
jusqu'à des échancrures dans les rochers. Il ne marque pas une fermeture, 
mais une ouverture, un passage, un moyen d'accès.
On le retrouve dans divers 
toponymes « Col de la Porte » (Lucéram, D73), « Col de Porte » (Chartreuse, Jura suisse), où la tautologie illustre qu’il n’est 
plus compris ; « Tête de Porte » (Haut-Giffre) ; « Dent des Portes » (Bauges) ; 
« Chartreuse de Portes » (Bugey) où il a le sens dialectal spécifique de « passage 
difficile et accessible aux seuls piétons, formé par quelques fentes 
irrégulières dans les murailles de rocher » (7) ; « les Portes », lieu-dit sous le 
Pertuis Rostan à L’Argentière-la-Bessée, précisément un ‘passage étroit entre 
des rochers’, également appelé « Chemin de la Vieille Porte » ; « les Portes », encore, à l’entrée du vallon de Navette dans le Valgaudemar 
qui dominent les gorges des Oules du Diable ;
au Chazelet, 
« les Portes » 
et son célèbre 
oratoire face à la Meije en haut d'un passage taillé ; « les Portes » et le « Col des Portes » 
dans la Montagne Sainte-Victoire ; un autre « Col des Portes » 
sous le sommet du Pic de Rochebrune. Même en haute montagne, ainsi « Trélaporte » 
dans le massif du Mont-Blanc.
En Maurienne, la voie romaine 
du Cenis franchissait le verrou du Pas du Roc par un passage étroit qui a donné 
son nom au Col de la Porte, au village de la Porte et à la commune de Saint-Martin-de-la-Porte.
Le 
rapprochement aurait pu être fait avec les « Portes de Fer » 
ou 
Porțile de Fier 
en roumain, 
nom des gorges du Danube à la frontière entre la Serbie et la Roumanie, où 
« porte » a le sens de ’gorge’. 
À Bons, la désignation 
vernaculaire « Portes  
vielles » (8a) 
relevée oralement au début du XIXe siècle et francisée « Porte-Vieille » (8b) et le toponyme 
« les 
Portes » (cadastre de Mont-de-Lans) 
s’appliquent aux différents passages 
dans
la montée vers Bons, 
à la Porte elle-même, mais aussi à plusieurs autres passages taillés ou franchis par des 
rampes, certaines de bois (9). 
 
Il en est de même plus en aval au « Pont des Portes » où les 'portes' 
correspondent également aux passages taillés ou sur digues.
À trop se focaliser sur la Porte, on en a oublié qu'il fallait étudier 
la globalité du parcours de la voie romaine entre la vallée et Mont-de-Lans, en 
l'intégrant de plus dans la voirie environnante, notamment le chemin muletier 
par le col de l'Alpe. C'est en définitive tous 
les ouvrages d'art de la montée vers Bons depuis le fond de vallée qui constituent les
« Portes vielles ». 
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En 
conclusion, se triturer les méninges sur 
la seule  
« Porte de Bons » en faisant passer sa fonction première à l'arrière-plan a 
conduit à une historiographie qui ne repose que sur des spéculations et qui n'a pas évolué d'un colloque à l'autre.
	
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La « Porte de Bons »  | 
	
	
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		Cliquer sur les 
		photos pour les agrandir  | 
	
		 
		
		Un grand merci à 
		l'association Graphe canton d'Échirolles d'avoir publié les Actes du 
		colloque d'Eybens. Celui-ci avait déjà connu un franc et mérité succès 
		avec plus de 200 participants. 
	
		
			
				
					
						
						
						On 
						retiendra en particulier l’intéressante proposition de 
						franchissement de l’éperon de Rochetaillée, au-dessus du 
						paléolac qui en baignait le pied. Elle 
						consiste en un audacieux passage en encorbellement (10). 
						L’hypothèse apparaît convaincante. 
 
				 
				
					
						
						
						Ce 
						n’est pas le cas de celles avancées pour justifier la
						 
						« Porte de Bons », 
						qui était avant tout un moyen de franchissement en galerie 
						d’un éperon rocheux (11). 
						Comme le résume J.-P. Jospin 
« ce n'est ni une porte, ni un 
						arc de triomphe, mais plutôt un passage taillé dans le 
						rocher » (12).
 
				 
			 
		 
	 
 
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						Notes :
(1) 
Les Actes des 
colloques font mention de la tribu des Venisami (francisée bizarrement en 
« Vénisanes » au lieu de « Vénisames ») dans la vallée de la Guisane et jusqu’en haut-Oisans. 
Cette hypothèse* a pourtant été rejetée dès la fin du XIXe siècle, mais elle 
ressort de loin en loin (Prieur, 1968 ; François, Actes 2002).
* 
L'hypothèse a été avancée « en se basant uniquement sur la ressemblance des 
noms », Vénisanes et Guisane (Prieur, p. 80). C’est linguistiquement 
impossible. 
Les autres arguments avancés 
sont tout aussi irrecevables (Actes 2002, pp. 58-60). Elle est aujourd’hui 
d'ordre historiographique. 
(2) Actes 2022, pp. 32-39.
(3) La station de Mellosedo 
(graphie gauloise) est associée à l'ancien hameau du Dauphin sur la 
commune de Mizoën dans Artru, 2016.
(4) Henri Ferrand, cité par François Artru, 2016, 
p. 230.
(5) Cette hypothèse obsolète a encore été mentionnée lors du colloque et dans les Actes 
2022 (p. 11). 
Le passage n'aurait-il pas été taillé 
si l'éperon rocheux ne s'était pas trouvé à mi-chemin ?
(6) 
Ainsi le « Pas de la Cavalle » 
qui figure sur une carte du début du XVIIIe siècle et qui correspond au passage 
délicat sur le détour que faisait le chemin royal de Briançon qui abandonnait la 
voie romaine au Châtelard pour monter en lacets en direction d'abord du Ponteil 
et se raccorder très difficilement avec l'actuelle D 220 taillée dans le rocher. 
Donc un passage pour éviter les 
« Portes vielles » devenues impraticables. 
Les termes « pas » et 
« porte » sont ici de quasi synonymes pour désigner les montées scabreuses 
jusqu'à Bons. Aujourd'hui, on utilise le mot « rampe » pour qualifier la portion 
raide de la route actuelle ouverte en 1840 : la « Rampe des Commères », du nom 
du ruisseau canalisé lors de la construction de la route, où « Commères » est 
une déformation du nom du comaret des marais, une rosacée qui pousse dans les 
lieux humides (Lionel Albertino, « Le 
mystère de la Rampe des Commères », Freneytique, juillet 2018). 
(7) 
Ambroise-Marie Bulliat et Léon Joly, 
La Chartreuse Sainte Marie de Portes, 
t. 1, James Hogg, Alain Girard, Daniel Le Blévec, 2001, p. 32.
(8a) 
Dessin de 
Héricart de Thury (ci-contre), 
« Monuments celtiques des Alpes, de la Savoie et du Dauphiné » in Jacques 
Cambry, Monumens celtiques (...), Paris, An XIII – 1805.
Ce dessin a été le point de départ de spéculations 
sur l'existence d'une deuxième porte. Spéculations devenues vaines après avoir 
levé le contresens sur le mot "porte" (supra).
(8b) Antoine-Rémy Polonceau, 
« Notice sur les vestiges 
d'un ancien chemin de communication entre l'Italie et les Gaules »,
La Revue générale de l'architecture, n°2, 1841, p. 67-70. L'auteur, 
inspecteur divisionnaire des Ponts et Chaussée, dirigeait en 1809
« le percement d'une 
galerie à travers les rochers escarpés des gorges de l'Inferney, pour le passage 
de la nouvelle route du Lantaret [sic] ». 
Il nota l'existence d'une 
« Porte-Vieille », 
selon le nom qu'il releva auprès des habitants, 
au-dessus de la galerie qu'il était en train de percer et bien entendu il s'y 
rendit et documenta sa visite, non sans se livrer lui aussi à quelques 
hypothèses hasardeuses.
(9) Actes 2022, p 25.
(10) Le passage en 
« saillie 
au-dessus du lac » 
avait déjà été imaginé par A.-R. Polonceau lors de sa visite en 1809 (supra).
(11) 
						Il 
						n'était pas besoin de faire éclater l’Oisans antique en 
						le réduisant de fait à la moyenne vallée de la Romanche 
						par l'introduction à l'amont, en haute Romanche, 
haut Oisans et Vénéon, d'une autre peuplade en mal 
						de localisation, et dont on ignore tout. 
D'ailleurs, compte tenu de la présence du paléolac, cette 
spéculation interrogerait sur la limite effective du territoire des Ucennii, en amont où en aval du lac, et donc si 
Catorissium (supposé correspondre au Bourg-d'Oisans actuel) était dans 
l'Oisans 
antique ou non ! 
(12) Jean-Pascal Jospin,
« Territoires 
et statuts de deux peuples alpins à la fin de l'âge de Fer : Ucennii et
Tricorii »,
in Actes du XVe colloque sur les Alpes 
dans l'Antiquité de la Préhistoire au Moyen Âge : La Notion de territoire dans 
les Alpes de la Préhistoire au Moyen Âge, BEPAA, 2019, pp. 207-218, p. 
212.
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						 Références :
Actes 2002 - « La voie romaine de l'Oisans », 
Actes du colloque du 8 octobre 2002 à Vizille, association des amis de 
l'histoire du pays vizillois, juin 2005.
Actes 2022 - « La voie romaine de Vienne au 
Lautaret par Grenoble et l'Oisans », 
Actes du colloque du 15 novembre 2022 à Eybens, Traces d'Histoire, 
hors-série, association Graphe 
Échirolles/Eybens/Bresson, juin 2023.
François Artru, Sur les routes romaines des Apes Cottiennes, entre Mont-Cenis 
et col de Larche, Presses universitaires de Franche-Comté, 2016.
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		Cet article est susceptible d'être modifié, corrigé, complété au gré 
		des informations qui me parviennent.