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Actes du colloque 2022

Colloque, octobre 2022

 Graphe canton d'Échirolles

Maison des associations

Bureau 7

Place de la Libération

38130 Échirolles

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Actes du colloque 2002

Colloque, octobre 2002

 

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La voie romaine à Rochetaillée

La voie romaine à Rochetaillée

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La voie romaine à Rochetaillée
La voie romaine à Rochetaillée
 
La voie romaine à Rochetaillée
 
La voie romaine à Rochetaillée

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La voie romaine à Bons

La voie romaine à Bons

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La voie romaine à Bons

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Passage taillé

d'un éperon rocheux

Passage taillé d'un éperon rocheux
Passage taillé d'un éperon rocheux
 
Passage taillé d'un éperon rocheux
 
Passage taillé d'un éperon rocheux

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La « Porte de Bons »

La « Porte de Bons »

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« Porte vielles du Mnt de Lans en Oisans »

La voie romaine

 

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La « Porte de Bons »

La voie romaine

Henri Ferrand, 1905.

 
La « Porte de Bons »

Panneau explicatif

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La voie romaine

La voie romaine
 

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Voie romaine de l'Oisans

Citer cet article

La voie romaine dite aujourd’hui « de l’Oisans » reliait Grenoble (Cularo) à Briançon (Brigantio). Passant par le Col du Lautaret, elle traversait les territoires des tribus gauloises des Brigianii (vallée de la Guisane) et des Ucennii (vallée de la Romanche en amont de Gavet) (1).

Table de Peutinger, fac-similé de Konrad Miller, 1887

Table de Peutinger, fac-similé de Ernest Desjardins, Paris 1869

À mi-hauteur, la voie de Vienne (Vigenna) à Briançon

Sur le terrain, il en reste deux vestiges importants :  à Rochetaillée (Le Bourg-d’Oisans) où la voie passait en encorbellement taillé dans le rocher au-dessus du paléolac qui recouvrait alors la plaine du Bourg-d’Oisans et à Bons (Mont-de-Lans, Les Deux Alpes) où subsiste un passage également taillé dans le rocher, dit « Porte de Bons », avant d’arriver sur le plateau.

Elle a fait l’objet de deux colloques, à 20 ans d’intervalle dont le dernier à Eybens en novembre 2022. Entre les deux, autant la connaissance a progressé concernant la voie en encorbellement, autant on tourne en rond à propos de la « Porte de Bons ».

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Passage de la voie romaine en encorbellement à Rochetaillée

Nouvelle hypothèse de voie romaine reconstituée

Le site est remarquable car on peut voir sur environ cinq cents mètres les restes de la voie en plusieurs tronçons taillés dans la roche. Il faut s'imaginer la falaise bien dégagée avec un vaste lac et des marais à son pied et la voie romaine  constituée d'un plateau en bois accroché plusieurs mètres au-dessus.

Figure ci-contre :

Nouvelle hypothèse de voie romaine reconstituée.

Actes 2022, p.32.

Le deuxième tronçon [plan du site] a été numérisée et modélisée, ce qui a permis de comprendre comment la voie a été construite. L'étude (2) a permis de trancher entre l'hypothèse d'un platelage reposant sur des pieux enfoncés dans le fond du lac  (comme sur la page de couverture des Actes du colloque) et un plancher de bois reposant sur un système de poutres taillées en queue d'aronde, renforcé par des jambes de force occupant des niches mises en évidence sous la voie et utilisées préalablement pour la creuser (figure ci-dessus).

Pour aller plus loin, il apparaît nécessaire de numériser également le troisième tronçon qui semble présenter d’autres pièces de charpentes verticales de type potence pour un système de levage, ainsi qu’un platelage déporté de l’encorbellement, soit une structure plus complexe que celle présentée ci-dessus.

La voie romaine à Rochetaillée

Des fouilles au pied des falaises pourraient en outre fournir beaucoup d'informations complémentaires concernant la voie et l'utilisation qui en a été faite au fil des siècles. Mais d'ores et déjà, il y a eu ici un réel apport de connaissances et ce n'est probablement pas fini. Bravo à Yoann Pesin et Lionel Albertino pour tout le travail effectué (2).

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La « Porte de Bons »

Il s’agit simplement d’un ouvrage d’art routier destiné à franchir un éperon rocheux dans un secteur abrupt de la montée de la voie romaine du fond de vallée jusqu’à Mont-de-Lans, identifié un temps à la station de Mellosedo (3). Il était constitué initialement d’un arc monumental taillé dans le rocher, avec possible fonction d'arc-boutant, dont une grande partie s’est effondrée dans les années 1770. Toutefois, sa fonction routière n'enlève rien à son « allure sobre et grandiose qui est le caractère des monuments romains » (4).

Autant son histoire (i.e. ce que l’on sait) est peu fournie, autant son historiographie (ici, ce que l’on a imaginé ou inventé à partir de rien) est foisonnante. Pourtant, elle ne doit son existence et son emplacement qu’à la présence de l’éperon rocheux à franchir, et non à d’autres considérations, telle que par exemple l'équidistance de Grenoble et de Briançon (5). Comme si sa finalité première comptait pour du beurre, occultée par la quête du sensationnel.

La « Porte de Bons »

Concernant sa désignation, il est habituellement considéré qu’il s’agit d’une « porte » au sens courant et actuel du terme. Mais en toponymie, ce n'est pas du tout le cas. Le mot « porte » n’a pas ce sens mais a le sens général de ‘passage, col’, jusqu’à ‘défilé, gorge’. Il ne nomme pas des « portes » au sens usuel du terme mais des cols, des passages étroits, des pas pentus (6), jusqu'à des échancrures dans les rochers. Il ne marque pas une fermeture, mais une ouverture, un passage, un moyen d'accès.

On le retrouve dans divers toponymes « Col de Porte » (Chartreuse, Jura suisse), où la tautologie illustre qu’il n’est plus compris ; « Tête de Porte » (Haut-Giffre) ; « Dent des Portes » (Bauges) ; « Chartreuse de Portes » (Bugey) où il a le sens dialectal spécifique de « passage difficile et accessible aux seuls piétons, formé par quelques fentes irrégulières dans les murailles de rocher » (7) ; « les Portes », lieu-dit sous le Pertuis Rostan à L’Argentière-la-Bessée, précisément un ‘passage étroit entre des rochers’, également appelé « Chemin de la Vieille Porte » ; « les Portes », encore, à l’entrée du vallon de Navette dans le Valgaudemar qui dominent les gorges des Oules du Diable ; au Chazelet, « les Portes » et son célèbre oratoire face à la Meije en haut d'un passage taillé ; « les Portes » et le « Col des Portes » dans la Montagne Sainte-Victoire ; un autre « Col des Portes » sous le sommet du Pic de Rochebrune. Même en haute montagne, ainsi « Trélaporte » dans le massif du Mont-Blanc.

En Maurienne, la voie romaine du Cenis franchissait le verrou du Pas du Roc par un passage étroit qui a donné son nom au Col de la Porte, au village de la Porte et à la commune de Saint-Martin-de-la-Porte.

Le rapprochement aurait pu être fait avec les « Portes de Fer » ou Porțile de Fier en roumain, nom des gorges du Danube à la frontière entre la Serbie et la Roumanie, où « porte » a le sens de ’gorge’.

À Bons, la désignation vernaculaire « Portes vielles » (8a) relevée oralement au début du XIXe siècle et francisée « Porte-Vieille » (8b) et le toponyme « les Portes » (cadastre de Mont-de-Lans) s’appliquent aux différents passages dans la montée vers Bons, à la Porte elle-même, mais aussi à plusieurs autres passages taillés ou franchis par des rampes, certaines de bois (9).

Il en est de même plus en aval au « Pont des Portes » où les 'portes' correspondent également aux passages taillés ou sur digues.

À trop se focaliser sur la Porte, on en a oublié qu'il fallait étudier la globalité du parcours de la voie romaine entre la vallée et Mont-de-Lans, en l'intégrant de plus dans la voirie environnante, notamment le chemin muletier par le col de l'Alpe. C'est en définitive tous les ouvrages d'art de la montée vers Bons depuis le fond de vallée qui constituent les « Portes vielles ».

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Se triturer les méninges sur la seule « Porte de Bons » en faisant passer sa fonction première à l'arrière-plan a conduit à une historiographie qui ne repose que sur des spéculations et qui n'a pas évolué d'un colloque à l'autre.

La « Porte de Bons »

 

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Un grand merci à l'association Graphe canton d'Échirolles d'avoir publié les Actes du colloque d'Eybens. Celui-ci avait déjà connu un franc et mérité succès avec plus de 200 participants.

On retiendra en particulier l’intéressante proposition de franchissement de l’éperon de Rochetaillée, au-dessus du paléolac qui en baignait le pied. Elle consiste en un audacieux passage en encorbellement (10). L’hypothèse apparaît convaincante.

Ce n’est pas le cas de celles avancées pour justifier la « Porte de Bons », qui était avant tout un moyen de franchissement en galerie d’un éperon rocheux (11). Comme le résume J.-P. Jospin « ce n'est ni une porte, ni un arc de triomphe, mais plutôt un passage taillé dans le rocher » (12).

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Notes :

(1) Les Actes des colloques font mention de la tribu des Venisami (francisée bizarrement en « Vénisanes » au lieu de « Vénisames ») dans la vallée de la Guisane et jusqu’en haut-Oisans. Cette hypothèse* a pourtant été rejetée dès la fin du XIXe siècle, mais elle ressort de loin en loin (Prieur, 1968 ; François, Actes 2002).

* L'hypothèse a été avancée « en se basant uniquement sur la ressemblance des noms », Vénisanes et Guisane (Prieur, p. 80). C’est linguistiquement impossible. Les autres arguments avancés sont tout aussi irrecevables (Actes 2002, pp. 58-60). Elle est aujourd’hui d'ordre historiographique.

(2) Actes 2022, pp. 32-39.

(3) La station de Mellosedo (graphie gauloise) est associée à l'ancien hameau du Dauphin sur la commune de Mizoën dans Artru, 2016.

(4) Henri Ferrand, cité par François Artru, 2016, p. 230.

(5) Cette hypothèse obsolète a encore été mentionnée lors du colloque et dans les Actes 2022 (p. 11).

Le passage n'aurait-il pas été taillé si l'éperon rocheux ne s'était pas trouvé à mi-chemin ?

(6) Ainsi le « Pas de la Cavalle » qui figure sur une carte du début du XVIIIe siècle et qui correspond au passage délicat sur le détour que faisait le chemin royal de Briançon qui abandonnait la voie romaine au Châtelard pour monter en lacets en direction d'abord du Ponteil et se raccorder très difficilement avec l'actuelle D 220 taillée dans le rocher. Donc un passage pour éviter les « Portes vielles » devenues impraticables.

Les termes « pas » et « porte » sont ici de quasi synonymes pour désigner les montées scabreuses jusqu'à Bons. Aujourd'hui, on utilise le mot « rampe » pour qualifier la portion raide de la route actuelle ouverte en 1840 : la « Rampe des Commères », du nom du ruisseau canalisé lors de la construction de la route, où « Commères » est une déformation du nom du comaret des marais, une rosacée qui pousse dans les lieux humides (Lionel Albertino, « Le mystère de la Rampe des Commères », Freneytique, juillet 2018).

(7) Ambroise-Marie Bulliat et Léon Joly, La Chartreuse Sainte Marie de Portes, t. 1, James Hogg, Alain Girard, Daniel Le Blévec, 2001, p. 32.

(8a) Dessin de Héricart de Thury (ci-contre), « Monuments celtiques des Alpes, de la Savoie et du Dauphiné » in Jacques Cambry, Monumens celtiques (...), Paris, An XIII – 1805.

Ce dessin a été le point de départ de spéculations sur l'existence d'une deuxième porte. Spéculations devenues vaines après avoir levé le contresens sur le mot "porte" (supra).

(8b) Antoine-Rémy Polonceau, « Notice sur les vestiges d'un ancien chemin de communication entre l'Italie et les Gaules », La Revue générale de l'architecture, n°2, 1841, p. 67-70. L'auteur, inspecteur divisionnaire des Ponts et Chaussée, dirigeait en 1809 « le percement d'une galerie à travers les rochers escarpés des gorges de l'Inferney, pour le passage de la nouvelle route du Lantaret [sic] ». Il nota l'existence d'une « Porte-Vieille », selon le nom qu'il releva auprès des habitants, au-dessus de la galerie qu'il était en train de percer et bien entendu il s'y rendit et documenta sa visite, non sans se livrer lui aussi à quelques hypothèses hasardeuses.

(9) Actes 2022, p 25.

(10) Le passage en « saillie au-dessus du lac » avait déjà été imaginé par A.-R. Polonceau lors de sa visite en 1809 (supra).

(11) Il n'était pas besoin de faire éclater l’Oisans antique en le réduisant de fait à la moyenne vallée de la Romanche par l'introduction à l'amont, en haute Romanche, haut Oisans et Vénéon, d'une autre peuplade en mal de localisation, et dont on ignore tout. D'ailleurs, compte tenu de la présence du paléolac, cette spéculation interrogerait sur la limite effective du territoire des Ucennii, en amont où en aval du lac, et donc si Catorissium (supposé correspondre au Bourg-d'Oisans actuel) était dans l'Oisans antique ou non !

(12) Jean-Pascal Jospin, « Territoires et statuts de deux peuples alpins à la fin de l'âge de Fer : Ucennii et Tricorii », in Actes du XVe colloque sur les Alpes dans l'Antiquité de la Préhistoire au Moyen Âge : La Notion de territoire dans les Alpes de la Préhistoire au Moyen Âge, BEPAA, 2019, pp. 207-218, p. 212.

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Références :

Actes 2002 - « La voie romaine de l'Oisans », Actes du colloque du 8 octobre 2002 à Vizille, association des amis de l'histoire du pays vizillois, juin 2005.

Actes 2022 - « La voie romaine de Vienne au Lautaret par Grenoble et l'Oisans », Actes du colloque du 15 novembre 2022 à Eybens, Traces d'Histoire, hors-série, association Graphe Échirolles/Eybens/Bresson, juin 2023.

François Artru, Sur les routes romaines des Apes Cottiennes, entre Mont-Cenis et col de Larche, Presses universitaires de Franche-Comté, 2016.

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Cet article est susceptible d'être modifié, corrigé, complété au gré des informations qui me parviennent.

Citer cet article :

Paul Billon-Grand, « La voie romaine de l'Oisans », Vallouimages, Novembre 2023.

URL : http://www.vallouimages.com/ecrins-oisans.htm

 

 

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Sortie

Version 1.00

Octobre 2004