Massif des Écrins -
Oisans - Vénéon
Vallon de la Lavey
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(1) Vallon de la Lavey
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de la Muande
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Le Vallon de la Lavey est l'un des principaux,
sinon le principal vallon de Saint-Christophe-en-Oisans. Il est
situé en rive gauche de la vallée du Vénéon en face du hameau de
Champhorent.
Il se raccorde à celle-ci par un gradin de confluence
glaciaire de faible ampleur, de l'ordre de 200 mètres, indiquant un
glacier d'importance presque équivalente à celui du haut Vénéon.
Son torrent le parcourt par une gorge de raccordement qui comme son
voisin de la Mariande se termine par la bruyante Cascade de la
Lavey que l'on devine depuis le confluent.
Orienté globalement nord-sud il permet de remonter
jusqu'à la crête de séparation avec le Valgaudemar, que l'on
aperçoit de Champhorent (1).
C'est une belle vallée glaciaire en auge typique, profonde et de grande
longueur, de l'ordre de la dizaine de kilomètres jusqu'au pied des
Rouies. |
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Malgré sa faible altitude, inférieure à 2000 m quasiment sur ses 8 premiers
kilomètres, elle est entourée d'une belle brochette de sommets compris entre
3300 et 3600 mètres : sur son versant est, on a du nord au sud, la Tête des
Fétoules (3459 m), la Tête de l'Étret (3559 m), la Pointe du
Vallon des Étages (3564 m) située un peu en retrait, et les Rouies
(3589 m), le point culminant de la vallée ; au fond du vallon, la Pointe de
la Muande (3315 m) et la Cime du Vallon (3406 m) ; sur son versant
ouest, du sud au nord, l'Olan (3564 m) bien caché, l'Aiguille de l'Olan
(3373 m) bien visible, la Pointe Maximin (3303 m) et l'Aiguille des
Arias (3402 m).
Vallon de la Lavey - Vu depuis Champhorent et Pont de
la Lavey |
Depuis
Champhorent et la route de la Bérarde, on devine seulement le
vallon et on aperçoit furtivement la Cime du Vallon (3406 m) et
surtout l'Aiguille de l'Olan (3373 m). Il faut descendre de 180
mètres pour rejoindre le Vénéon en amont immédiat de son
confluent avec le Torrent de la Muande. |
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Le vallon possédait un important système glaciaire qui a fortement marqué le
paysage. Trois glaciers convergeaient à l'époque du PAG (2)
au fond du vallon, mais sans vraiment se rejoindre. Ils ont beaucoup reculé
depuis lors et leur recul s'est encore considérablement accéléré depuis le début
du siècle. Leurs altitudes sont à vrai dire trop faibles pour en garantir la
pérennité à long terme. Tous les petits glaciers sont de toute façon condamnés à
disparaître à brève échéance, alors que les appareils les importants peuvent
encore résister dans leurs parties hautes :
Le
cirque de la Muande, qui
ferme le vallon à l'amont, est encore occupé par un système glaciaire
significatif mais de plus en plus morcelé avec le Glacier de la Muande,
que son altitude protège un peu, et le Glacier du Fond qui est en cours
de dislocation. Celle-ci, très rapide durant la dernière décennie, a provoqué le
dégagement d'un austère lac juxta-glaciaire, le
Lac de la Muande.
Le
retrait du Glacier de la Lavey
accompagné lui aussi par l'apparition d'un lac panoramique, le
Lac des Rouies, est plus
ancien et plus marqué encore. Il est maintenant séparé en deux glaciers éloignés
de plusieurs centaines de mètres en altitude et de près d'un kilomètre en
distance. L'un est perché sous le Col de la Lavey et l'autre s'amenuise
en amont du lac.
Le
Glacier des Sellettes dispose d'un vaste cirque bien protégé au pied de
l'Olan. Certes, il s'est morcelé en deux glaciers qui s'éloignent l'un de
l'autre mais il semble mieux résister que ses voisins.
Au milieu du vallon à la hauteur du Plan
de la Lavey, le Glacier d'Entre-Pierroux , pourtant en face nord,
est réduit à l'état de confettis disjoints, certains suspendus. Plus au nord, il
y a longtemps que les petits Glaciers du Lac et du Bec de Canard
ne sont plus que des reliques réfugiées sous les crêtes.
Vallon de la Lavey - Pont de la Lavey et la Raja (1560
m) |
On traverse
le Vénéon sur un magnifique pont de pierre en dos d'âne du XVIIe
siècle, puis il faut remonter jusqu'à l'ancien hameau de la Raja
(1560 m) pour atteindre le vallon. |
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Aussi loin que remontent les sources, elles indiquent un vallon parcouru,
exploité et occupé par l'homme. Le Col de la Muande (3103 m) est un
passage connu depuis longtemps entre Saint-Christophe et le
Valgaudemar. Malgré son caractère glaciaire, il est cité aux XVIIe, XVIIIe
et XIXe siècles (3).
Au XVIIIe siècle, de Bourcet, sur sa carte dressée à des fins
militaires, indique explicitement un itinéraire par le Col de la Muande.
Il n'excluait donc pas que l'on pût y faire passer une troupe ! Les deux
magnifiques ponts de pierre, surdimensionnés pour un simple accès au vallon,
rappellent l'importance de cette ancienne voie de communication. Ils remontent
au XVIIe siècle, le premier donne accès au vallon alors que le deuxième permet
simplement au chemin principal de passer d'une rive à l'autre, alors même que
des chemins secondaires existent sur chacune des rives.
Vallon de la Lavey - Le Souchey (1688 m) |
Le Souchey
est un ancien hameau perché à 1688 m au dessus de l'entrée du Vallon
de la Lavey, sur un travers entre le hameau du Clot et le
vallon. Il jouit d'une belle vue sur le vallon et sur la vallée du
Vénéon en amont de Champhorent. Sa zone d'alpage est limité
par un ancien muret situé aujourd'hui dans la forêt sur le chemin
montant du Clot. Les épicéas se font de plus en plus
envahissants. |
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Les traces d'anciens habitats sont également nombreuses. Elles témoignent
d'habitats, peut-être permanents ou simplement temporaires, qui remontent au
Moyen Âge, notamment au POM (4)
des XIIe et XIIe siècles, marqué par une forte croissance démographique qui a
entraîné une extension en altitude des zones habitées et exploitées, alors que
la péjoration climatique qui a commencé durant la 2e moitié du XIVe siècle a eu
les effets inverses et donc l'abandon de nombreux sites d'altitude.
C'est ainsi que la Raja (1560 m) sur la montée d'accès au vallon,
Ragiate ou Ragiacos en 1339 (5),
Regeate sur la carte de Cassini au XVIIIe siècle, était un
hameau permanent au Moyen Âge déjà. Peut-être aussi, la Grande Jasse
(1672 m) (6)
(7) après le
Ruisseau des Mandes (8).
Ce site illustre d'ailleurs le mode de colonisation, commun à d'autres dans la
vallée, qui commence autour d'abris sous roche avant de passer aux cabanes en
pierres sèches. Il devait en être de même pour le lieu-dit Sous la Lavey
(7), dans le
plan en amont du refuge et du hameau de la Lavey, et pour Rama de la
Selle (1820 m), la Ramasse en 1834 (9),
plus loin dans le vallon, en amont du Ruisseau de la Selle, où on
retrouve l'évolution abri sous roche, puis cabanes en pierres sèches.
Plus surprenants, on trouve aussi traces d'habitats temporaires en altitude,
liés au pastoralisme, datant aussi sans doute du Moyen Âge et abandonnés
à la fin du Moyen Âge ou peu après (7).
Citons Grand Rousset, Rousset de Via (10)
et Coyetère, les deux premiers situés autour de 2300 m sur la rive
gauche, le troisième sur la rive droite avant le grand saut du Ruisseau de la
Donzelière, appelé Ruisseau de la Coyeteyre sur la
carte Duhamel de 1892.
Il existe aussi des vestiges de bergerie temporaire sous le Lac des Bèches (2250 m) (7).
Vallon de la Lavey - Vieux pont du XVIIe siècle
(1701 m) |
Le Pont de
la Lavey sur le Vénéon a un petit frère plus en amont dans le
vallon, sur le Torrent de la Muande, au pied d'un premier petit
verrou. Moins important, il permet au chemin muletier d'accéder à la
Lavey par la rive gauche. Le portail en bois permet de séparer les
deux troupeaux situés sur chacune des rives et qui appartiennent à deux
éleveurs distincts. Les nombreux murets en pierres divisant les versants
devaient avoir un rôle analogue de séparation des troupeaux. |
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Seuls deux hameaux permanents ont traversé les siècles. Celui du Souchey
(1688 m), nommé Souché sur la carte de Cassini, domine
l'entrée du vallon face à Champhorent avec lequel il était facile de
communiquer visuellement. Abandonné aujourd'hui, il conserve toutefois quelques
maisons encore debout et occupées en été. Un muret de pierres sèches délimitait
ses alpages en direction de la vallée. Il est relié au hameau du Clot en
direction de Saint-Christophe par un chemin direct qui offre et offrait
une alternative intéressante pour accéder au vallon. Il se poursuit dans le
vallon où il rejoint le chemin principal immédiatement après le pont de pierre.
Le hameau principal était celui de la
Lavey ou Lavet (1797 m) sur le verrou à proximité du refuge
actuel qui était encore habité, au moins à titre temporaire, au début du XXe
siècle.
Vallon de la Lavey - Entre le premier et le deuxième
verrou |
Les deux
verrous délimitent une longue zone plane d'alpages dénommée Gabouléou
(1729 m) (11)
et qui se prolonge en rive droite jusqu'au replat du
Cloutet (1752 m) (12)
où se trouve une bergerie. Plus haut ,sous les pentes du verrou de la
Lavey, on découvre de nombreux lopins de terre séparés par une toile
d'araignée de murets en pierres. C'est que le secteur garde jusque dans
son nom, les Hoches (13),
le témoignage des anciennes cultures. Les maisons d'habitation qui s'y
trouvaient ne sont plus que des ruines plus ou moins visibles. |
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Le Vallon de la Lavey a la particularité de ne pas porter le nom de son
torrent qui est le Ruisseau de la Muande (14).
Beaucoup l'appelle d'ailleurs Vallon de la Muande. Pourtant une
définition de la Muande est donné dans un bail à ferme dressé en 1834
(9) comme étant
le vaste ensemble à la forte unité en amont du Plan de la Lavey.,
également nommé Muande et Olan en 1871 (9).
A contrario, certains commencent à parler du Torrent de la Lavey, nom
moderne comme Cascade de la Lavey. Il semble bien que Lavey soit
au sens strict et au départ le nom du site du refuge et du hameau principal du
vallon. L'extension au vallon est compréhensible. Elle semble ancienne puisque
la carte de de Bourcet levée entre 1749 et 1754 mentionne Lavet,
Vallon de la Muande ou du Lavet, Col de la Méande, Pointe de la
Muande. Celle de Cassini, quelques années plus tard, marque
la Lavette R (14),
la Lavet (9).
Dans la description de ses voyages, Roussillon utilise Combe de
la Lavey pour nommer le vallon (1854).
Vallon de la Lavey - La Grande Jasse |
En aval du
pont de pierre, le secteur de la Grande Jasse (1672 m) comportent
des vestiges d'occupation humaine, d'abord en abris sous roche,
puis en cabanes de pierres sèches. De nombreux murets devaient servir à
parquer les troupeaux, le nom du lieu indiquant sa fonction de zone de
repos nocturne. |
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L'ambiguïté est donc grande, mais Lavey semble prendre néanmoins le
dessus sur Muande. Déjà le nom est monté au Col de la Lavey et au
Glacier de la Lavey, mais il a dû aussi reculer contre toute logique à
son lac. Muande, reste
dans le haut du vallon, dans son secteur en quelque sorte, mais le ruisseau de
celle-ci pourrait vite céder la pas au torrent de celle-là
(15).
Muande (16
rappelle les mouvements des troupeaux tout au long de la saison d'été, alors que
Lavey garde le souvenir de l'éboulement qui a déposé tous les rochers où
se situe le refuge et les ruines des anciens chalets (17).
En mars 2011, un nouvel éboulement a
provoqué une coulée qui est arrivée à proximité du refuge.
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Page 2 de
l'article
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Notes :
(1) De façon fugitive, la Cime du Vallon (3406 m).
(2) PAG, pour Petit Âge Glaciaire.
(3) Daniel Roche et Michel Coûteaux ont dressé la liste des
citations du Col de la Muande comme lieu de
passage autrefois.
(4) POM, pour Petit Optimum Médiéval, tel que défini par
Emmanuel Le Roy Ladurie.
(5) Enquête delphinale
de 1339. La Raja est rattaché à la vieille racine oronymique *RAC, *RAG, PLR,
page 244.
(6) Jasse ici, Jas là, Gias ailleurs, du latin JACERE =
être couché, indiquent des lieux de repos des troupeaux.
(7) Chantal Mazard
et Daniel Roche, in
Les habitats désertés de Saint-Christophe-en-Oisans,
Patrimoine de l'Isère, Oisans, pages 72 et suivantes.
(8) Le Ruisseau des Mandes ne serait-il pas plutôt un Ruisseau des
M(u)andes ?
(9) Daniel Roche et Michel Coûteaux in Lac de la Muande - Fluctuations glaciaires, limnologiques et toponymiques, 1999.
(10) Où Rousset n'est pas lié à la couleur mais signifie plutôt la
roche. Via laisse rêveur car il indique la présence d'un chemin
qu'on aurait beaucoup de peine à repérer aujourd'hui, mais il fallait bien y
aller avec les bêtes. Autrement dit, Grand Rousset = grand roche
et Rousset de Via = roche du chemin.
(11) De la racine *GAB, *GAV, à l'origine de nombreux noms de gorges ou
à-pics. Le lieu-dit est très précisément situé sous un à-pic que parcourt la
belle cascade du Ruisseau de la Donzelière qui descend des Fétoules.
(12) C'est un replat, ça tombe bien puisque Cloutet vient du vieux mot
CLOT qui désigne justement un replat, même parfois une simple
diminution de pente.
(13) Surprenant de trouver ici à 1800 mètres d'altitude un lieu-dit qui indique
la présence de terres labourées du gaulois OLCA.
(14) Ruisseau est le terme adopté par les cartographes au XVIIIe siècle à
la suite de Cassini pour désigner les cours d'eau, abrégé en la lettre R. Les
locaux utilisaient des termes patois, tous issus du latin RIVUS, Riou,
Rif, etc. On ne connaissait pas le mot torrent dont l'utilisation en
toponymie est récente.
(15) Au Moyen Âge, le Vallon de la Lavey s'appelait
Valdeyrieyri ou Vallum Deytreria ou Deyrieria (Allix,
1929). Ces appellations ont disparu.
(16) Du latin MUTANDIS.
(17) PLR, page 124, de la racine
*LAP = dalle de pierre, éboulement.
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Références :
Allix (A) - L'Oisans
au Moyen Âge, 1929.
Conservation du
patrimoine de l'Isère, Oisans, Musée Dauphinois,
2001.
Le Roy Ladurie (E) -
Histoire humaine et comparée du climat, t. 1.
Roche (D)
/ Coûteaux (M), Lac de la Muande - Fluctuations
glaciaires, limnologiques et toponymiques, 1999.
Rousset (PL) - Les
Alpes et leurs noms de lieux, 1998.
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