Les Balcons du
Mercantour
Un projet à
justifier
Même si l'analyse initiale reste d'actualité et me sert de
référence, la table ronde du jeudi 25, la réunion du CA du PNM du vendredi 26,
le nouveau site de présentation du projet des
Balcons du Mercantour,
le
mea culpa de Christian Estrosi,
la cinglante
motion de défiance et de rappel à l'ordre du conseil scientifique (CS) du
PNM ont amenés beaucoup d'éléments nouveaux qui nécessitent de dresser un état
de la situation avant la concertation.
On ne peut d'ailleurs que se féliciter de ce changement de donne en espérant
que la concertation, la prise en compte des avis et le contrôle a priori remplaceront l'opacité, le saucissonnage et le passage en force.
Souhaitons que l'évolution d'une approche durablement destructive à une
approche durablement responsable se confirmera.
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Des avancées et des promesses
D'abord, il faut prendre acte des avancées et des promesses, issues de la
table ronde et de la réunion du CA ou présentes sur le nouveau site du CG06
consacré au projet qui est une réponse directe aux critiques formulées :
- On
peut noter une nette inflexion concernant le projet. La communication
a complètement changé. Exit les moyens lourds, tout est maintenant orienté
protection de l'environnement, développement durable, et même durablement
responsable (admirable formulation). Dont acte.
Mine
de rien il s'agit en quelque sorte d'une charte qui doit régir le
projet et qui devra servir de base pour les travaux de la future commission
de concertation . Dont acte.
- La
construction de nouveaux sentiers est limitée aux 8 km entre Rabuons
et Lagarot. Dont acte. Les autres 132 km utiliseront des
sentiers ou itinéraires existants sur lesquels « de simples travaux de
sécurisation seraient envisagés ». Dont acte de la fin des travaux à la
pelleteuse, au brise-roche et à l'explosif.
- «
En 2 ans, l'assise se sera naturellement refermée pour ne laisser qu'un
passage de 60-80 cm ». C'est vrai, avec comme conséquence d'empêcher le
passage de tout véhicule motorisé. Dont acte de la destination purement
piétonnière du sentier qui devra être concrétisée par les interdictions
appropriées.
- La
capacité des refuges n'excèdera pas 50 places, ils sont qualifiés de
refuges de montagne confortables et non d'hôtels. Dont acte, même si la
définition devra être précisée par les travaux de la commission de
concertation.
- «
Le projet évoqué par certains de la création d’un téléphérique entre
Saint-Etienne-de-Tinée et le Refuge du Rabuons
n’existe pas et n’est pas d’actualité. L’accès continuera à se faire par les
sentiers pédestres garantissant ainsi un accès à un public plus large mais
aux conditions sportives éprouvées ». Dont acte de l'enterrement de ce
projet, même si le n'est pas d'actualité contredit le n'existe
pas et ne rassure pas complètement.
- Le
début d'une période de concertation de 6 mois jusqu’à la fin de l’hiver. La
validation collective d'un certain nombre d'options par un groupe de travail
présidé par Gaston Franco, Président du Parc National du
Mercantour. Plusieurs commissions thématiques, sur le tracé du
cheminement, les refuges et la biodiversité, ouvertes à tous les opposants
et tous les acteurs de la montagne. Dont acte de cette volonté tardive de
concertation et de prise en compte des avis des uns et des autres.
- Le
président du CG06, Christian Estrosi, « a pris l'engagement
formel que la validation finale de toutes les facettes du projet serait
confiée au Conseil Scientifique du Parc National du Mercantour » Dont
acte.
- «
Il n'y aura aucun impact écologique, au contraire ... S'il n'y a pas de
consensus, nous ne franchirons pas d'étape suivante »
(C.Estrosi sur France 3,
12/13 du 25septembre). Dont
acte.
- « Toutes les garanties seront apportées pour préserver l'environnement
» (G.Franco sur
France 3, 19/20 du 26 septembre).
« Rien ne se fera sans contrôle
sans contrôle, sans étude d'impact sur la flore, la faune, les
paysages, sans l'avis du Conseil Scientifique, voire de la Commission
Nationale de l'Environnement, et in fine du ministre
» (interview France 3, 19/20 du 27
septembre).
Dont acte.
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Encore beaucoup de doutes et d'incertitudes
Évidemment à ce stade, il ne faut pas être dupe, la communication se veut
encourageante, mais il y a encore de la désinformation, des omissions, des approximations, voire des contre-vérités, notamment concernant l'impact écologique et la protection
des espèces protégées :
«
Il n'y a pas d'impact écologique, au contraire »
(ChristianEstrosi
sur France 3, 12/13 du 25septembre).
« Si la procédure n'a
pas été entièrement respectée, rien d'irréparable ni de
vraiment grave n'a été commis »
(Gaston Franco, Président
du PNM, 26 septembre).
«
Les techniciens ont apporté une
attention particulière au choix du tracé en tenant compte des espèces
présentes
» (site balconsdumercantour.fr).
«
Dans le cahier des charges de l’appel
d’offres lancé auprès des entreprises, il était exigé un engagement à
protéger et ne pas détruire les espèces
»
(site balconsdumercantour.fr).
Or,
la destruction de plants de Saxifraga florulenta
constatée par les scientifiques
et l'ampleur des travaux contredisent ces affirmations.
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Curieuse aussi cette mention de refuges 4* par l'un des maires
présents à la table ronde du 25 septembre. Affabulation ou réalité ?
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Dans
l'ordre des approximations, les aspects marketing et économique laissent
pantois. On oscille entre la famille parisienne, le parcours sélectif, le
produit d'appel, le produit de notoriété internationale. Les retombées
économiques sont vagues. De toute façon, Gaston Franco, maire
de Saint-Martin-de-Vésubie, ne compte pas sur les « saucissonneurs
» (entendez les randonneurs et
les alpinistes) pour assurer le
développement de sa commune
(lors d'une réunion locale).
Bref,
20 millions d'Euros pour quoi faire et pour quel retour sur investissement ?
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La
nomination de Gaston Franco, juge en tant que président du CA
du PNM et partie soutenant le projet en tant que maire de
Saint-Martin-de-Vésubie n'a pas levé toutes les inquiétudes. La
nomination d'un président neutre et impartial est d'ailleurs réclamée par
plusieurs.
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On peut s'étonner aussi de cette curieuse
conception qui consiste à faire les travaux d'abord et ensuite à consulter
le conseil scientifique du PNM et à lancer la concertation. Bref,
beaucoup de vieux réflexes demeurent qui incitent à la plus grande
vigilance, d'autant plus que le passif est particulièrement lourd.
Il est en effet maintenant acquis :
- qu'il n'y a eu aucune étude d'impact
avant le début des travaux ;
- que des défauts de procédure sont
manifestes et d'ailleurs reconnus par le président du CA du PNM, tels que
l'absence d'étude d'impact alors que des espèces protégées sont concernées ;
- que des destructions de plantes
protégées ont justement été effectuées en toute illégalité ce qui constitue
un délit ;
- que personne, y compris le président
du CA du PNM de son propre aveu, n'a une vision complète du projet ;
- qu'il n'y a pas eu non plus d'études
de marché et d'analyse financière.
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Question préalable à la concertation
Il reste donc beaucoup d'incertitudes sur le projet avec toujours une
question lancinante qui revient en boucle au
moment où le Parc National du Mercantour et le Parco Naturale
delle Alpi Marittime viennent de signer une
convention
(1) avec le soutien financier
de la Principauté de Monaco
et la Fondation Prince Albert II de Monaco
en vue de l’inscription des deux
parcs au Patrimoine Mondial de l’Humanité, convention qui engage 7,4 millions
d'Euros sur 4 projets en 3 ans dont l'un prévoit « la
réalisation de lieux d’accueil dédiés aux scientifiques et aux visiteurs des
parcs, avec l’ambition de tisser des liens entre les deux communautés. » et :
Pourquoi une solution franco-française au lieu de profiter des atouts communs de
part et d'autre de la frontière, notamment des refuges et gîtes italiens ?
La solution existe, elle est prônée également par le CG06 et s'appelle fort
justement la
Traversée du Mercantour.
Autrement
dit:
Pourquoi les Balcons du
Mercantour plutôt que la Traversée du Mercantour ?
Ce sera
indiscutablement la question préalable à laquelle il faudra répondre
avant de traiter tout autre sujet, ainsi qu'aux questions corollaires qui en
découlent :
Quelle
est la raison d'être réelle du projet ? Le 'pourquoi', avant les 'quoi',
'comment', 'où' !
Quels
sont ses objectifs que la Traversée du Mercantour ne permettrait pas
d'atteindre, même en investissant le même montant dessus ?
Une
analyse comparative des avantages et des inconvénients de chacun des projets par
rapport aux objectifs et aux montants investis permettra de valider ou non la
justification des Balcons du Mercantour par rapport à la Traversée du
Mercantour et éventuellement d'apprécier si une adaptation de cette dernière
ne permettrait pas de faire mieux encore, notamment pour un développement
partagé des deux côtés de la frontière. Évidemment à ce niveau, une
justification du type : « c'est le bébé de tel ou tel » ne peut pas
être recevable.
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Vallouise, le 29 septembre 2008
Notes :
(1) Vendredi 19 septembre dernier, en
milieu d’après-midi, S.A.S. le Prince Albert II de Monaco, M.
Jean-Louis Borloo, Ministre d’État, Ministre de l’Écologie, de
l’Énergie, du Développement durable et de l’Aménagement du territoire et Mme
Stefania Prestigiacomo, Ministre italienne de l’Environnement ont
présidé la cérémonie de signature d’une convention en faveur du Parc national
du Mercantour et du Parco Naturale delle Alpi Marittime, prévoyant et
finançant 4 projets sur 3 ans :
Le premier projet de cette Convention
concerne la réalisation de l’un des plus ambitieux inventaires systématiques du
vivant au monde, puisqu’il prévoit de couvrir l’intégralité des territoires des
deux espaces naturels, soit près de 2450km2.
Le second projet vise à œuvrer en faveur
de l’inscription des deux parcs au Patrimoine Mondial de l’Humanité.
Le troisième projet concerne la
réalisation de lieux d’accueil dédiés aux scientifiques et aux visiteurs des
parcs, avec l’ambition de tisser des liens entre les deux communautés. Les
pistes de travail concernent le développement du tourisme scientifique et
l’émergence d’initiative de « science citoyenne » où les visiteurs et les
communautés locales participent aux découvertes scientifiques.
Le dernier volet de la convention vise à
assurer la promotion de ces trois projets : organisation de manifestations et de
colloques de portées nationale et internationale, création de supports
d’information et de communication, médiatisation de cette coopération pour
susciter l’implication du public en faveur de l’environnement.
Dans les modalités de financement de ce
partenariat, la Principauté de Monaco et la Fondation Prince
Albert II de Monaco se sont engagées à hauteur de 1.015.000 millions
d’Euros sur 3 ans, pour une contrepartie de 3.189.000€ de la part des deux
parcs.
(Source :
http://www.mercantour.eu/#ff)