Le Pays Dignois dans les années 1900

Voyons comment le Pays Dignois était décrit au début du siècle à travers la plume du géographe Onésime Reclus dans son Atlas pittoresque de la France, paru en 1909, revu et complété en 1924. Outre que certaines descriptions et interprétations sont toujours valables, l'état passé du Pays Dignois aide à comprendre son présent, et qui sait, à préparer le futur.

Note : à l'époque, on ne parlait pas encore de Pays Dignois, mais on ne connaissait que des divisions administratives, aussi la description s'applique-t-elle à l'arrondissement de Digne, bien plus vaste que le Pays Dignois dans son périmètre officiel actuel.

Texte de 1909, données démographiques du recensement de 1921 :

« Les 9 cantons, les 82 communes, les 233 473 hectares de l'arrondissement de Digne, traversent d'outre en outre, et par le milieu, le territoire des Basses-Alpes¹. En effet, la circonscription sous-préfectorale de Digne touche, au Nord, le département des Hautes-Alpes ; au Sud, le long du Verdon, le département du Var ; à l'est, c'est aux arrondissements de Barcelonnette et de Castellane qu'il confronte ; à l'ouest, à ceux de Sisteron et de Forcalquier. Sur sa vaste étendue, qui répond à peu près au tiers de l'aire des Basses-Alpes, les roches les plus anciennes qui se montrent aux regards, sont les grès bigarrés et les schistes lustrés du trias ; à l'Est, dans la haute montagne, s'espacent le lias, le jurassique, la craie ; à l'ouest, dans la montagne moyenne et sur les collines, s'étend au loi, le manteau du tertiaire miocène. Le culmen de l'arrondissement est le Pic des Trois-Évêchés² (2927 mètres) ; le lieu inférieur, au passage de la Durance, dans le département du Var³, ne domine l'Océan que de 275 mètres. »

« Les deux grands fléaux qui sévissent dans ces Alpes, le déboisement, l'émigration, celle-ci suivant fidèlement celui-là, n'épargnent pas l'arrondissement de Digne, qui en est à 30 020 habitants (1921) ; le canton lui-même de Digne a perdu, bien qu'il comprenne la plus grande ville du pays. Il tombe sous le sens que l'éradication des forêts y accélère la ruine des montagnes par le ruissellement, d'autant que ces monts sont de contexture friable ; les pentes s'éboulent, la terre s'en va dans le torrent, le sol devient rocaille, l'habitant va vivre ailleurs ; tel canton, celui de la Javie, n'entretient pas 5 personnes au kilomètres carré ; et celui de Moustiers-Sainte-Marie, moins de 6. On est ébahi quand on contemple ici les lits des torrents ; lits immenses dès que ces torrents sont arrivés dans la plaine, ou même partout où les montagnes s'écartent pour faire place à un cirque, à un épanouissement de val. Une Seine, un Rhône, un Danube y pourraient passer en se pressant un peu, et l'on n'y voit que quelques filets d'eau courant sur le sable ou sur la grève qu'ils mouillent à peine. Quand un de ces courants, la Bléone, l'Asse, arrive à la Durance, et qu'il ne mêle que de rares flots à la sauvage perforatrice des monts du Dauphiné et de Provence, on se demande comment des Alpes de 2000 à 3000 m peuvent ne fournir que si peu d'onde à la plus désordonnée de nos rivières et, par suite, au plus beau de nos fleuves. Quelques jours, quelques heures après, on comprend. Ce sont des fleuves de qui passent en tournoyant. »

« Resté en dehors de la grande histoire, ce pays fut celui des Bledontici, des Reii, des Edunates et autres tribus du peuple des Albices ;  les Romains y eurent leur Colonia  Reiorum, qui est Riez, et leurs thermes de Gréoux ; le moyen âge, presque partout apparent, se recommande surtout par l'ancienne cathédrale de Digne,  les majestueuses ruines du château de Gréoux, le donjon de Saint-Martin-de-Brômes. Quatre villes avaient plus de 1000 habitants agglomérés : Digne (4113), Valensole (1229), Oraison (1393), Riez (1064),. Les Mées en approchent avec 805.»

Reclus, 1909 et 1924 : RECLUS (O) - Atlas pittoresque de la France - texte de la première édition, données de la seconde