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Le flottage est un ancien moyen de transport du bois utilisé sur
plusieurs cours d’eau des Alpes.
Le radellage (1) est
bien attesté sur la Durance depuis le Moyen Âge. On utilisait des
radeaux constitués de troncs assemblés entre eux et chargés de troncs
supplémentaires à transporter. Les descentes avaient lieu à l’automne et
surtout au printemps pour profiter des forts débits dus aux pluies et à
la fonte des neiges.
La plus ancienne mention remonte à la fin du XIIe siècle. Les troncs
provenaient en premier lieu de la forêt de sapins de Boscodon. Ils
étaient destinés à la construction navale et à la construction urbaine. |
Les radeliers de la Durance - Photo Vallouimages, 27 mai 2017
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À partir du XVe siècle, on connaît une succession d’une vingtaine de péages sur
la Durance entre Embrun et Avignon, au bénéfice du roi, des évêques ou des
communautés. La reconstruction de Marseille après le sac de la ville par les
Aragonais en 1423 entraîna une forte demande de bois de construction de la forêt
de Boscodon et les Marseillais obtinrent l’exemption totale des droits de
péages. Les radeaux rejoignaient le Rhône puis étaient ensuite tractés jusqu’à
Marseille.
Au XVIe est mentionné un convoi de deux radeaux pour le transport de 54 troncs
de sapins de la forêt de Boscodon et le prix du bois à l’arrivée avait été
multiplié par quinze par rapport à sa valeur sur pied. Les paiements pouvaient
d’ailleurs être en nature sous forme de pièces de cuir issues des tanneries de
Marseille. De grosses commandes pouvaient nécessiter de véritables trains de
bois descendant la Durance. Toutefois les radeaux embrunais, même d’une capacité
de 24 troncs, ne jouaient pas dans la même cour que les radeaux descendant
l’Isère puis le Rhône composés de 9 douzaines de troncs !
Aux XVIIe et XVIIIe siècles, des flottages sont effectués depuis Guillestre
jusqu’à l’arsenal de Toulon. Les coupes sont effectuées dans les forêts de la
Réortie, d’Assan et de Combe Chauve. Les radeaux étaient montés au confluent du
Guil et de la Chagne en aval de Guillestre à partir des « bois flottés à bûches
perdues » sur le Guil.
Au XVIIIe siècle l’augmentation des volumes a constitué une cause importante de
déboisement de la montagne, en particulier à Boscodon.
L’arrivée du chemin de fer dans le dernier quart du XIXe siècle porta un coup
fatal au radellage du bois, trop long et trop coûteux. Cette pratique cessa
complètement au début du XXe siècle.
Le bois de la forêt de Durbon était également transporté par radeaux sur le
Buëch. On notera que la toponymie a enregistré l’importance du bois à Boscodon
et dans le Bochaine.
L’association des radeliers de la Durance s’attache à reconstituer cette
pratique depuis sa création en 1993. La reconstitution de 2018 est la 20e du
genre. Mais il s’agit plutôt de radelles que de radeaux.
La Durance et le Buëch ne sont pas les seuls cours d’eau concernés. Un article
de Philippe Thomassin dans le livre récemment paru sur le Var décrit la pratique
du flottage du bois sur le fleuve
(2).
Des recherches toponymiques sur Réotier et sur les lieux-dits R(é)ortie
(3,
4)
m’ont également conduit dans le Val Pellice et le Val Cluson/Val Chisone
(Piémont) où la pratique m’a été confirmée par un correspondant local.
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Notes
:
(1) Je reprends une graphie existante dans des articles spécialisés (notamment
celui de Robert Brès, mais d'autres écrivent avec un seul L). Dans le mien j'ai
pris soin d'écrire le mot en italique. « Radellier » est aussi une graphie
usitée. En moyen français, radelle est un « petit radeau », en latin
médiéval radellus. Le L n'aurait pas dû sauter dans « radelier », ce qui
en a modifié la prononciation. Tous ces termes sont techniques.
(2) Philippe Thomassin, « Le flottage du bois », Des hommes et un fleuve : le
Var, Roudoule, écomusée en terre gavotte, 2017, p. 159-163.
(3) Réotier, anciennement Reorterium. Crête de la Rortie, Freissinières ;
Forêt de la Réortie, Guillestre, d’où provenaient les bois embarqués à
Guillestre.
(4) Les reòrtes ou riòrtes nomment les liens végétaux utilisés
dans la construction des radeaux. De l’occitan alpin re(v)òrtia = «
branches flexibles pour lier les fagots » [Arnaud-Morin]. Le lien est obtenu en
tordant la branche de travers et en la déformant.
L'ouvrage de Teofilo G. Pons et Arturo Genre, Dizionario del dialetto
Occitano della Val Germanasca, donne la forme singulière féminine rortio
= « ritorta », en français « tordu ». « Legaccio ottenuto con un
giovane virgulto ritorto di salice, betulla, citiso, etc... » et précise que
certaines rortia (pluriel féminin dans le Val Germanasca, rortie
en bas Val Cluson) étaient utilisées pour traîner les bois.
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Références :
P. Billioud, « Les bois des Hautes-Alpes en Provence », Bulletin de la
Société d’études des Hautes-Alpes, Gap, 1960, p. 106-112.
Robert Brès, « Les routes du bois. Commerce et charriage sur la Durance au
milieu du XVIIIe siècle », Bulletin de la Société d’études des Hautes-Alpes,
Gap, 1993, p. 53-67.
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