Vallouise
Église Saint-Étienne
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Classée au titre des monuments
historiques depuis le 22 octobre 1913, l'église Saint-Étienne
de Vallouise constitue avec ses abords un ensemble de toute beauté,
l'un des plus beaux de la région sinon des Alpes.
Principale église de la vallée,
elle fait partie d’un réseau de cinq églises
(1)
et de vingt-quatre chapelles encore existantes situées dans les
différents villages et hameaux.
Elle est
située (2)
sur la place principale du village de Vallouise,
Ville-Vallouise (3)
chef-lieu
de la vallée, au pied des premiers contreforts de la montagne de la
Blanche et en bordure septentrionale de la plaine où convergent les
vallées
du Gyr et de l'Onde.
Elle domine
majestueusement les toits du village dont elle rythme la vie avec son
carillon. |
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Elle
structure le tissu urbain et la voirie autour d’elle. La place de l’Église
constitue en effet le centre du bourg avec plusieurs commerces et services à
proximité et la tenue du marché tous les jeudis.
L’orientation de l’église
impose une ligne de force vers l’est, avec la rue du Centre et le pont qui se
trouvent exactement dans l’axe de l’église. Ainsi, sa façade à l’est constitue
un élément fort dans la composition spatiale du village. En effet, la hauteur du
chevet et l’ampleur de son décor peint s’imposent à celui qui arrive au village
depuis le pont et l’immense représentation de saint Christophe, marchant et
portant l’enfant Jésus, dominait l’arrivant de tout son symbolisme légendaire.
L’église donne aujourd'hui
directement sur la place récemment refaite mais elle était entourée encore par
le cimetière jusqu'en 1952, comme c'était l'usage autrefois. Il fallait alors
pousser une grille en fer forgé pour pénétrer dans l'enceinte commune du
cimetière et de l'ensemble ecclésiastique constitué de l'église et de la
chapelle des Pénitents. Celle-ci est située en arrière-plan de l’église, déjà
dans la pente. Une petite place a été aménagée sur l’emprise de l’ancien
cimetière devant la façade est de l’église et son porche d'entrée. Par un jeu de gradins et
de murets, elle constitue une sorte de parvis commun à l’église et à la chapelle
des Pénitents.
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Elle est consacrée à
saint Étienne, un juif helléniste. Celui-ci est considéré comme un
saint universel qui occupe l'une des toutes premières places dans le culte des
saints au Moyen Âge. Au contact des apôtres, il fut l'un des sept premiers
diacres et fut le premier martyr en l'an 33 au tout début de la religion
chrétienne naissante. Son martyre constitue du reste, dans la réalité
historique, la première d'une longue série d'imitations du sacrifice du Christ
par les chrétiens persécutés. Ceci explique, d'une part, la précocité et le
développement de son culte dès le haut Moyen Âge, et d'autre part, le nombre
exceptionnel d'églises, notamment de cathédrales, placées sous son vocable. La
mention la plus ancienne de l'existence d'une
Église Saint-Étienne
à Vallouise remonte au tout début du XIIe siècle
(4).
Les trois diacres,
saint Étienne le juif, saint Laurent le romain et saint Vincent de
Saragosse l'hispanique
sont souvent associés. Ils sont considérés comme les archétypes des martyrs
(5)
car la succession de leurs tortures et leurs morts violentes rappellent
immédiatement la passion du Christ. Ils sont associés également à Vallouise,
où on retrouve saint
Laurent dans l'église
Saint-Laurent des Vigneaux et
saint Vincent de Saragosse dans
la Chapelle Saint-Vincent à Puy-Saint-Vincent. Le message du culte
de ces martyrs est triple pour la population : d'abord le martyre est vécu comme
une imitation du Christ et dont l'enjeu est, pour le martyr pris comme modèle,
son salut éternel ; ensuite comme une résistance face au paganisme
(6).
__________
Il ne reste probablement
rien de l'église moyenâgeuse.
La date de construction de
l’église actuelle est incertaine
(7).
Elle est typique des églises briançonnaises de style roman construites dans la
seconde moitié du XVe siècle à l’époque où la vallée devint Vallis Loysia
après la fin des persécutions contre les Vaudois (8).
Sa façade à l’est était alors décorée d’une gigantesque peinture représentant
saint Christophe
et le bas
du clocher à l’ouest – alors dégagé – d’une fresque d'un cycle des vertus, des
vices et de leurs châtiments.
Sa façade sud fut embellie
au XVIe siècle par un porche qui protège un tympan décoré d’une représentation
de l’Adoration des mages et par une magnifique porte aux vantaux sculptés en
relief garnis d’un verrou au pêne décoré caractéristique de l’époque. À
l’intérieur, un autel secondaire – aujourd’hui disparu – fut installé contre le
mur du clocher dans une structure à baldaquin entièrement peinte qui constitue
un des joyaux de l’église. Il est aujourd’hui remplacé par une Pietà également
du XVIe siècle. Le mobilier s’enrichit également au début du XVIe siècle d’un
baptistère monumental à cuve monolithique surmontée d’un couvercle en bois
sculpté. Les deux panneaux de porte étaient particulièrement ouvragés et portent
la date de réalisation, 1518. Les panneaux en place sont des copies à
l’identique des panneaux d’origine volés.
Le XVIIe siècle vit en
1603 l’installation dans le clocher de la plus grosse des quatre cloches. Elle
s’y trouve toujours et… sonne faux ! Surtout, l’intérieur de l’église prit son
allure à peu près définitive avec l’installation du maître-autel surmonté d’un
imposant retable en bois de mélèze sculpté et doré à l’or fin et de l’autel du
Rosaire, également intégré dans un retable de même style mais plus simple, dans
la chapelle latérale gauche.
À la fin du XIXe siècle (9),
la représentation de saint Christophe sur la façade est a été recouverte par une
figure de saint Étienne. Les trois horloges sur les faces est, sud et nord du
clocher ont été installées avec leur mécanisme en 1890 en remplacement
d'horloges primitives à une aiguille, que deux cadrans solaires aujourd’hui
disparus complétaient sur les faces est et sud. Le mécanisme d’origine des
horloges est toujours en place mais a été découplé et remplacé par un modèle
électrique en 1969.
Grâce à sa bonne acoustique, chaque été depuis 1993, l’église
résonne des concerts de musique de chambre du festival Musiques en Écrins et
s’inscrit ainsi pleinement dans le développement culturel de la vallée.
__________
Notes :
1. Outre, les
églises de chacune des quatre communes, la chapelle de Puy Aillaud est
devenue église paroissiale en 1844 sous les vocables de Sainte-Anne et de
Sainte-Agathe. Les autres chapelles sont réparties dans les différents hameaux
de vallée ou en altitude. Trois au moins ont disparu à la Bâtie des Vigneaux,
à la Casse et à Prey d’Aval. Leur étude (en cours) sort du cadre
de cet ouvrage.
2. Coordonnées Lambert : X = 928 025 Y = 3291 200. Altitude :
1165 m. Cadastre : section B, parcelle 853.
3. Ville-Vallouise, ou plus simplement Ville,
chef-lieu de la commune de Vallouise et de toute la vallée avant la
Révolution.
Pour mémoire, avant la Révolution, la communauté de Vallouise
regroupait l’ensemble des villages et hameaux de la vallée. Elle était divisée
en trois tierces : Ville, qui réunissait Vallouise et les Vigneaux, la Pisse et
le Puy. La communauté éclatera à la Révolution en quatre communes :
Vallouise,
Les Vigneaux, La Pisse, qui deviendra Pelvoux en 1893, et
Puy-Saint-Vincent.
4.
Le Cartulaire d'Oulx mentionne une église à Vallouise en 1118, et sous le
vocable de Saint-Étienne en 1120. Cité par les Cahiers de l'Inventaire,
1987.
5.
Ils sont souvent représentés avec les attributs des martyrs, la palme et la
couronne (Στέφανος, Stéphanos en grec), symboles importants de la victoire des
martyrs.
6.
Pierre-Yves Fux, « Le culte des martyrs », in Les sept passions de Prudence.
Thèse de doctorat, Université de Genève, 2003, p. 11 à 15.
7.
À ce jour aucun document d’archives faisant explicitement référence à sa
construction n’a été trouvé, mais les études récentes menées par Chantal Desvignes-Mallet situent sa construction en plusieurs phases durant la seconde
moitié du XVe siècle. Ouvrage cité en référence.
8.
Dès 1469, on trouve Valle Loysia en l'honneur du Dauphin, futur
Roi Louis XI. En 1478, celui-ci officialise en quelque sorte le nouveau nom
Vallis Loysia dans des lettres patentes destinées à faire cesser les
persécutions contre les Vaudois, qui ne s’achèveront qu’en 1488 avec le massacre
dans le
vallon de Celse Nière, au-delà d’Ailefroide.
9. ...
et non à la fin du XVIIIe ou au début du XIXe siècle, comme on le voit encore
mentionné dans beaucoup d'ouvrages. C'est le saint Christophe entier, sans
mention du saint Étienne, qui est décrit par les voyageurs vers le troisième
quart du XIXe siècle.
__________
Référence
:
Paul Billon-Grand (dir.), Chantal Desvignes-Mallet et al., L’église
Saint-Étienne de Vallouise à travers les âges, L’Argentière-la-Bessée,
Association de sauvegarde de l’église Saint-Étienne, 2015, 305 p.
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Articles connexes
:
Église Saint-Étienne
Place de
l'Église
Clocher
de l'église
Église Saint-Laurent
Chapelle Saint-Vincent
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