Noms et Toponymie du
Mélèze
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Conifère à aiguilles caduques et à petits cônes dressés,
le mélèze d'Europe ou mélèze commun,
Larix decidua, est une espèce d'arbre du genre Larix
appartenant à la famille des Pinacées. C'est une espèce pionnière
qui recouvre largement (1400 à 2400 m) l'étage subalpin des Alpes. Il
abonde dans les massifs internes des Alpes, du Mercantour aux Grisons,
en passant par l'Ubaye, le Queyras, le Briançonnais, les hautes
vallées Piémontaises, la haute Maurienne, la haute Tarentaise, la vallée
d'Aoste, le massif du Mont-Blanc, le Valais, le Tessin, l'Engadine
(dans une liste large et non exclusive !).
Il évite les zones trop humides des Préalpes du Nord ou
trop sèches du Midi. On le rencontre, à l'adret avec le pin sylvestre
vers 1400 m, et à l'ubac, avec l'épicéa en dessous de 2000 m, et le pin
cembro au dessus de 2000 m. Mélézin est le nom donné aux forêts
où il domine.
Il produit une exsudation sucrée, dite manne de
Briançon.
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Le nom français mélèze vient du Dauphiné où
l'ancien dauphinois MELESE (attesté en 1313) remonte à une forme *MELICE,
issue, après changement d'accentuation propre aux parlers de cette aire
géographique. (-ĭce > -eze dans les parlers de la Drôme),
d'un mot préroman *MELIX, -ICE formé du croisement d'un radical
gaulois MEL-, MELI- désignant cet arbre, avec le mot latin LARIX qui le
désignait [DELF,
CNRTL
- lexicographie, mélèze]. Comme beaucoup de
résineux, l'arbre était probablement désigné par sa sève puisque le
gaulois MEL-, MELI- est à rattacher à l'indo-européen *MÉLI(T) = miel,
également à l'origine du gaulois MELISSOS = doux, agréable
[Delamarre]. Le latin LARIX a lui aussi été
emprunté aux parlers gaulois alpins
[BG2, Gaffiot]. Il a conduit
directement au nom du mélèze en italien : larice.
Le mélèze est ainsi l'arbre alpin par excellence.
Jusqu'à Rabelais qui atteste que melze
est un mot employé par «les Alpinois» (Tiers
Livre, chapitre 52, éd. M. A. Screech, p.352).
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On ne s'étonnera pas qu'avec de telles racines dauphinoises, le
nom se soit particulièrement développé dans les dialectes locaux sous des formes
diverses et variées et se soit enraciné dans la toponymie régionale. Toutefois
si le nom français s'est généralisé, le nom dauphinois semble s'être plutôt
étendu en zone occitane, occitane alpine en particulier, car en zone
francoprovençale il a subi la concurrence forte des noms issus de LARIX. C'est
ainsi que sur les Alpes du Sud, occitanes, on est dans la zone de MÈLZE [mèlzé]
(tout le Dauphiné inclus) et que sur les Alpes du Nord, francoprovençales, le
sud et l'ouest de la Savoie sont dans la zone de MELESE alors que le
nord/nord-est de la Savoie et la Suisse romande sont dans la zone de LARZE. Mais
la vallée d'Aoste et la haute Tarentaise font exception avec un troisième étymon
BRINVA.
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En zone de parlers occitans, les formes relevées sont
nombreuses :
MÈLE [mèlé], MÈLZE [mèlzé] à Barcelonnette, MEOUZE
[méousé], MEOUVE [mèouvé] en Languedoc [Honnorat].
MÈLE [mèlé], MÈUSE [mèusé], MÈLZE [mèlzé], MERZE [merzé],
MEARE [méaré] dans les Alpes [Mistral].
En Ubaye, on trouve aussi MÈLZE [ mèlzé] et MÉARZE
[méarzé], MÉALZE [méalzé] (Saint-Pons), MÈLSE en
haute Ubaye, le lieu-dit Miélha à Fours
[Arnaud].
À Seyne, MEUSE [ 'mewzé] balance avec MIALE
[Mjalé] [Quint].
En Queyras, Briançonnais et
vallées Vaudoises, on retiendra MÈRZÉ [merzé])
[Chabrand, Arnaud].
En Vallouise, on a plus simplement MÈZE [mèzé]
[Garnier] et MARZÉ [merzé] à
Prelles [Eïlamou].
À la Roche-de-Rame, MÉARE dans le lieu-dit Pré
Méare.
En haut Dauphiné, MERZE [merzé], en
bas Dauphiné, MEILE [Moutier].
À Auris, en Oisans,
MARÙZO [Duraffour].
Dans les hautes vallées piémontaises, MŒLZÉO [TGF].
Pian Melze dans la haute vallée du Pô.
Encore ces différentes graphies ne traduisent-elles que
des nuances de prononciation plus ou moins bien captées par les
collecteurs, avec des rendus non homogènes. Toutes se retrouvent plus ou
moins dans la toponymie des Alpes du Sud, jusqu'en Savoie du Sud, et
même en Lozère et Haute-Loire.
Dérivant directement de l'étymon MELESE, Ceillac a
le Mélézet
, Forestum de Melleseto au XIIIe siècle, Melleset en 1321
[TGF], de même
à Jausiers
[Arnaud]. Le
Mélezet, hameau de Bardonnèche.
Les mélézins se retrouvent dans divers noms de lieux :
la Melzeréa
et lou Melzeroùn aux Thuiles, Merzeléas à Fours
et Merzeroùs à Enchastrayes en
Ubaye
[Arnaud]. Sans oublier
Villar-Saint-Pancrace
mais dont le Mélézin est sans doute de formation plus moderne.
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En Briançonnais et dans la haute vallée de Suse
(Oulx, Bardonnèche), BLETON désigne aussi le mélèze,
de l'occitan BLETOUN, BLETOU = mélèze, par élargissement, localisé
au
Briançonnais et à la haute vallée de Suse, du sens d'origine du mot, jet d'un arbre, tige
d'un jeune arbre, jeune plant [Mistral].
Le type BLETON s'étend jusqu'en haute Romanche : BLETU à
La Grave et à Villar-d'Arêne [Duraffour].
On a ainsi les toponymes : Bleton et la Blettonnée à la
Salle-les-Alpes, la Bletonnée à Saint-Martin-de-Queyrières,
Blétonnet à Réotier, le Blétonnet au dessus du
Laus à Cervières, Bletounet à Névache,
Blétouréou (lieu où pousse le bléton, donc le mélézin) à
Val-des-Prés, et Bletonet jusqu'à Saint-Bonnet
[Faure].
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En zone francoprovençale, c'est plus compliqué car MELESE
se heurte à la fois à la concurrence de LARZE et de BRINVA.
(i) Le type MELESE domine au sud, en Maurienne, et
à l'ouest de la Savoie, jusque vers le massif des Aravis
et monte même jusqu'à l'ouest du Chablais :
MELÉZA en Albanais, dans les Bauges (à
Leschaux),
les Aravis (Thônes, Cordon) et l'ouest du Chablais
(Massongy, Saxel) et MLÉZO à Annecy
[Viret].
La Maurienne a MELÉZHO
à Montricher
[Gros], et beaucoup
de lieux-dits, comme :
Le Mélèze, el Melezo
dans un terrier de 1475 à
Valmeinier ; Mélezet,
in Melleyseto et
Mellesey en 1508 à Valloire ; Mélezet, Molarium
de Melezeto en 1393 à Montvernier ; le Mélezet à
Modane, à Villarodin ; le Mélèzert à Lanslebourg ;
Melezières sur le cadastre d'Albanne
[Gros] ; le Méledzo
sous la Comba à
Bessans [Chazal1].
(ii) Le type LARZE, LARZHE [BG2]
l'emporte en Suisse romande et au nord/nord-est de la Savoie
:
LÂRZA en Chablais, LÂZA à Beaufort, LÂZO,
LÂRDZÈ à Moûtiers, LARITO à Arvillard, LARSE
à Chamonix [Viret],
LÂRZE
[Bessat].
Le mélézin est LARZAI, LAZAI ou LARSÈTA à Chamonix
[Viret].
En Valais et Préalpes vaudoises, LARZE,
LARSE, LARGE, à Genève LARJE, pourvoyeurs de toponymes en
LARZETTE, LARGETTE, LARSEY, LAZEY, LAZIER, LARDZYER, LAGIER, LAZAIRE
[Bossard]
avec le suffixe collectif -EY < -ETUM qui permet de nommer le mélezin [BG2].
À Courmayeur, LARZEY [Boyer].
Le chanoine Gros cite le patois LARO > LARE,
LARRE, comme nom vulgaire du mélèze en Savoie, sans autre
précision. Il croit retrouver le nom du mélèze sous Larchat, au
cadastre de Valloire, mais repris en l'Archaz par IGN et
sous Laro, Laroz, Granges de l'Haroz qui nommaient un alpage noyé
du plateau du Mont-Cenis. Dans ce cas, il y aurait recouvrement
des zones de MELESE et de LARSE.
(iii) En vallée d'Aoste et en haute Tarentaise,
BRINVA ou BRENVA et ses variantes BRINZA, BRINGA
remplacent LARSE pour nommer le mélèze, d'un étymon pré-roman,
probablement gaulois [Boyer].
On a ainsi BRINZYI, pl. BRINZE à
Sainte-Foy-en-Tarentaise, BRINHZA à Tignes, BRINVA à
Chamonix. D'où les toponymes la Brenva (aiguille, glacier,
chalets, col de la .) à Courmayeur
, la Brinza à Sainte-Foy-en-Tarentaise. On notera une zone
de recouvrement entre LARSE et BRINVA de part et d'autre du Mont
Blanc à Chamonix et Courmayeur.
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Hors des Alpes :
En Lozère et Haute-Loire, on trouve
Malzieu
ou le Malzieu. Celui de la
Haute-Loire était Melzeu en 1252, Melzevio en 1374,
Melzieu en 1377 [TGF].
En Alsace, le mélèze est LAERCHE
[Pégorier], rattaché à
LARSE.
En Corse, on a un nouveau étymon qui a conduit à
ARAJU
[Pégorier].
Atlas linguistique de France
35e fascicule Carte n° C 1850 |
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Jules
Gilliéron et Edmond Edmont, 1902-1910 |
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Abréviations et
Bibliographie
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