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Le Pré de Madame Carle
Situé à
l'extrémité amont du vallon de
Saint-Pierre
et au bout de la route carrossable, à vue ou presque du
Glacier Noir
et du Glacier
Blanc,
le Pré de Madame Carle est l'un des joyaux touristiques de
la
Vallouise, du massif et du
Parc national des Écrins.
Le nom pourtant ne manque
pas de soulever quantité d'interrogations !
D'abord, il ne
s'agit pas d'un pré, mais d'une zone de divagation caillouteuse du
Torrent de
Saint-Pierre, que parcourent ses différents bras au gré de leurs
débordements. Seul un bosquet de mélèzes a réussi à se développer au bout de la
route à l'abri de l'ancienne moraine frontale du
Glacier Noir.
Ajouter à ce bosquet quelques vernes en bordure de la zone de divagation, et on
aura fait le tour de la verdure du secteur, où le minéral donc prédomine.
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Vallon de
Saint-Pierre |
Torrent de
Saint-Pierre |
Mont Pelvoux |
Mont Pelvoux |
Octobre 2004 |
Octobre 2004 |
Octobre 2004 |
Octobre 2004 |
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Le Ban |
Pré de Madame
Carle |
Pré de Madame
Carle |
Pré de Madame
Carle |
Novembre 1998 |
Novembre 1993 |
Novembre 1998 |
Novembre 1998 |
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Ensuite, qui est cette
Madame Carle qui a réussi à donner son nom à un lieu inculte d'une façon
tout à fait atypique en montagne ?
En fait, il faut
remonter au début du XVIe siècle, 500 ans en arrière donc, pour trouver la
réponse à ces deux interrogations. Le climat alors était plus chaud que
maintenant avec des glaciers extrêmement réduits.
Glacier Noir
et
Glacier Blanc
ne devaient pas sortir de leurs plateaux supérieurs.
Les chroniques de
Chamonix, par exemple, indiquent que l'emplacement actuel de la Mer de
Glace était une zone d'alpage.
Les chroniques de la Vallouise, elles, indiquent que le
Pré existait bel et bien, là où, maintenant, il n'y a que des cailloux.
C'était une belle prairie d'alpage qui faisait partie des biens* donnés en 1505
par le Roi Louis XII à Geoffroy ou Chaffrey Carle, premier président du
Parlement du Dauphiné entre ca 1503 et ca 1516. À sa mort, sa
belle-fille, Louise Sereyne originaire de la vallée et veuve de
son fils Antoine Carle, administra ses biens et donna ainsi son
nom à cette partie de ses propriétés. Le lieu était même habité au Moyen Âge.
Plusieurs légendes, difficiles à sourcer car elles n'apparaissent pas dans les
études sérieuses d'ethnologie (Van Gennep et Joisten), mais souvent prises pour
argent comptant par les amateurs de sensationnel, entretiennent une atmosphère
mystérieuse autour de ce nom.
* La Bâtie de la Vallouise avec ses
appartenances.
Si vous trouvez que
décidément ce nom ne convient pas, revenez à son ancien nom qui figurait sur
certaines cartes du XIXe siècle,
la Grande Sagne,
ou plutôt
la Grand Sagne
pour respecter le parler local, autrement dit le
grand lieu humide, qui désignait le grand plan lacustre d'autrefois et qui
subsiste dans la Pointe de la Grande
Sagne.
Les cartes du début du XXe siècle
localisent la
Grande
Sagne
dans la zone de divagation du torrent et réservent le nom de Pré de Madame
Carle à la prairie aujourd'hui arborée de la rive droite.
Le Col de Coste Rouge
au fond du bassin du
Glacier Noir supérieur, donné autrefois comme plus facile que le Col
de la Temple, s'appelait le Col de la Grande Sagne et le vallon de
Saint-Pierre était le vallon de la Grand Sagne.
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Pré de Madame
Carle |
Pré de Madame
Carle |
Pré de Madame
Carle |
Refuge Cézanne |
Gravure - Vers 1860 |
1895 |
Vers 1900 |
Vers 1905 |
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Refuge Cézanne |
Refuge Cézanne |
Refuge Cézanne |
Refuge Cézanne |
Vers 1905 |
1907 |
Vers 1920 |
Vers 1950 |
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La formation
du site remonte loin dans le temps : le Pré résulte du
comblement d'un ancien lac glaciaire retenu à l'aval par une
puissante moraine frontale issue de la poussée glaciaire du Dryas,
14000 à 9000 BP,
elle-même
surmontée
du lobe caractéristique d'un glacier rocheux postérieur descendu de
la
Combe du Riou Blanc [Communication
orale de
Louis Reynaud, Laboratoire de
Glaciologie-CNRS Grenoble].
La fin du XVIe siècle vit le début du Petit
âge glaciaire - le PAG cher à
Emmanuel Le Roy Ladurie
- marqué par une forte crue des glaciers à
travers toutes les Alpes. Les
Glaciers Blanc et
Noir
envahirent le Pré au moins jusqu'à l'emplacement du bosquet actuel et
transformèrent le Pré en une zone de débordements de leurs torrents aux
débits amplifiés. Malgré quelques fluctuations
- enregistrées dans l'enchevêtrement des moraines latérales du Glacier Noir,
leur front commun recouvrait encore tout l'amont du Pré en 1815 et
atteignait l'emplacement actuel du Refuge Cézanne. Vers 1820, le recul a
provoqué l'apparition d'un lac pro-glaciaire derrière la moraine qui s'est
maintenu jusque vers 1850
[Communication orale de
Louis Reynaud, Laboratoire de
Glaciologie-CNRS Grenoble].
Les blocs rocheux situés à proximité correspondent à l'ancienne moraine
frontale, déjà complètement enfouie sous les alluvions. La carte d'État-major de
1853 indique un recul d'une centaine de mètres du front. Il reste de cette
époque un morceau de moraine latérale en rive droite en aval du cône de la
Mômie. C'est le terme du Petit âge glaciaire et le début d'un recul
continu des deux glaciers, malgré quelques brèves poussées bien vite
interrompues. Après encore une vingtaine d'années de front commun et un
recul de 200 mètres supplémentaires, la séparation est effective en 1880, le
Glacier Blanc
atteint encore le bas des rochers, tandis que le front du
Glacier Noir
stationne au niveau de la passerelle actuelle, derrière une moraine dont une
partie subsiste derrière le banc de pierre. En 1896, le
Glacier Blanc
a bien remonté sur ses rochers alors que le
Glacier Noir,
protégé par sa couverture morainique, atteint la cote 1980 m.
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Barre des Écrins |
Barre des Écrins |
Barre des Écrins |
Barre des Écrins |
Octobre 2004 |
Octobre 2004 |
Octobre 2000 |
Octobre 2000 |
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Pic Coolidge et le
Fifre |
Pré de Madame
Carle |
Pic de Clouzis |
Clocher de Clouzis |
Octobre 2004 |
Octobre 2000 |
Octobre 2000 |
Octobre 2000 |
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Le Pré de Madame Carle
est, sans conteste possible, le lieu le plus célèbre et le plus visité de
la
Vallouise. On
put l'atteindre en voiture dès 1934. Aujourd'hui, son immense parking, certes
fait tache, mais est un mal nécessaire pour accueillir les milliers de visiteurs
qui s'y pressent de mi-juillet à fin août - 68 000 visiteurs durant l'année 2006 avec des
pointes à plus de 500 véhicules par jour [données du Comité départemental du
tourisme
des Hautes-Alpes et de l'Observatoire du tourisme publiées en août
2007]. Car, c'est le point de départ des
deux randonnées phares de la vallée, vers les deux glaciers, et, de la montée
vers les Refuges du Glacier Blanc (2542 m) et
des Écrins (3175 m), qui comptent parmi les plus fréquentés des Alpes.
Le vieux Refuge Cézanne (1874 m), maintenant caché dans le bosquet de
mélèzes, rappelle l'époque où, la route n'existant pas encore, l'approche des
sommets étaient une vraie expédition de plusieurs jours. Il est maintenant
doublé par un refuge moderne à l'extrémité de la route.
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Pré de Madame
Carle |
Pré de Madame
Carle |
Glacier Noir |
Glacier Blanc |
Octobre 2003 |
Octobre 2003 |
Octobre 2003 |
Octobre 2003 |
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Le ban - Les
Barres |
Barre des Écrins |
Pré de Madame
Carle |
Pré de Madame
Carle |
Avril 1978 |
Juin 1986 |
Avril 1978 |
Juin 1986 |
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Les Refuges du Glacier
Blanc et des Écrins
sont situés en bordure du
Glacier Blanc, respectivement à 2542 m et 3175 m d'altitude. Ils ouvrent aux
alpinistes l'immense cirque du Glacier Blanc, à commencer par la Barre
et le Dôme de Neige des Écrins, deux 4000, mais aussi Roche Faurio,
le Pic de Neige Cordier, le Pic du Glacier Blanc, la Montagne
des Agneaux, la traversée des Dômes, les plus difficiles Barre
Noire et Barre Blanche, ou inversement, le tranquille Pic du
Glacier d'Arsine, presque une randonnée en bonnes conditions. Au printemps,
les skieurs se répartissent entre le Dôme, Roche Faurio, Neige
Cordier et la traversée des Dômes.
Le Glacier Noir
reste le domaine des grandes voies avec la face sud des Écrins et les
faces nord du
Pelvoux aux Ailefroide. Quelques uns partent du bas pour le Pic
Coolidge dans la journée. L'été 2004 a vu la réalisation partielle du tour
du Glacier Noir, contrariée par une mauvaise météo.
Les randonneurs alpinistes
et skieurs vont au plus près des faces nord sur la Bosse de la Momie et
dans le cirque supérieur. L'enchaînement sur deux jours du Col de la Temple
et du Col des Écrins offre un magnifique tour des Écrins
d'altitude. NB : la séparation en cours du Glacier Noir supérieur et du
Glacier Noir inférieur complique l'accès au plateau supérieur. Mieux vaut se
renseigner et faire appel à un professionnel.
La Grande Sagne est une plaine de
dépôts glaciaires et d'alluvions torrentiels grossiers (galets, graviers et
sables) balayée par plusieurs torrents et leurs ramifications secondaires. Le
site est composé de roches cristallines (granites et gneiss). D'une point de vue
morphologique, il s'agit d'un "Sandur" formé par les eaux de fonte et de lavage
glaciaire provenant du
Glacier Blanc et du Glacier Noir. Le fond rocheux se situe
probablement à plus d'une centaine de mètres du niveau actuel, un sondage a pu
descendre à - 80 mètres, mais sans atteindre le rocher
[Communication orale de
Louis Reynaud, Laboratoire de
Glaciologie-CNRS Grenoble].
Elle présente un intérêt particulier pour
ses ripisylves, bras morts et zones humides connexes. On y trouve en
particulier, le saule faux daphné - Salix daphnoides, le saule soyeux -
Salix glaucosericea, le saule pubescent - Salix laggeri et le trèfle
des graviers - Trifolium saxatile.
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Panorama toponymique du Pré de
Madame Carle et des versants qui le dominent, à l’ouest et au nord-ouest, du
Pelvoux aux Écrins.
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On notera que l’IGN a regroupé sous
l’appellation unique de « Rochers du Grand Laus », les trois masses rocheuses du
Grand Laus, de la Veyre et de la Barre des Escrens. Il en résulte le nom de la
cascade du Grand Laus, dans la Barre des Escrens !
La perte de sens a conduit à redoubler l’article, le préfixe ES- représentant
« en les / vers les », que l’on retrouve fréquemment dans les noms de lieux de
la région.
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Articles connexes :
Menaces sur le pré de Madame Carle
Pré de
Madame Carle
Vallon de Saint-Pierre
Glacier
Blanc
Glacier Noir
Barre des Écrins