Le Valgaudemar est une vallée alpine située à l'ouest du
massif des Écrins. Drainée par la Séveraisse et ses affluents, c'est une
vallée glaciaire sauvage et encaissée qui pénètre jusqu'au cœur du
massif et du Parc national des Écrins. Elle confine avec le Valjouffrey
et la vallée du Vénéon au nord, avec la Vallouise à l'est et avec le
Champsaur au sud. Elle débouche à l'ouest sur la vallée du Drac qu'elle
rejoint au nord du Champsaur.
L'ancienne communauté de communes du Valgaudemar
comprenait les communes d'Aspres-lès-Corps, La Chapelle-en-Valgaudémar,
Le Glaizil, Saint-Firmin, Saint-Jacques-en-Valgodemard,
Saint-Maurice-en-Valgodemard, Villar-Loubière et l'ancienne commune de
Chauffayer (1).
Elle a fusionné au 1er janvier 2017 avec les communautés de communes du
Champsaur et du Haut Champsaur pour constituer la communauté de communes
Champsaur Valgaudemar.
__________
Le
Valgaudemar stricto sensu, ancien mandement de Valgaudemar, comprend les
communes de Saint-Jacques-en-Valgodemard, Saint-Maurice-en-Valgodemard pour le
bas-Valgaudemar, Villar-Loubière, La Chapelle-en-Valgaudémar pour le
haut-Valgaudemar.
Le
Valgaudemar géographique, bassin de la Séveraisse, comprend en plus la commune
de Saint-Firmin et, au moins théoriquement, l'ancienne commune de Chauffayer (1)
qui la bordent jusqu'à son confluent avec le Drac, mais celle-ci était plutôt
rattachée au Champsaur.
L'ancien canton de Saint-Firmin comprenait les communes d 'Aspres-lès-Corps, La
Chapelle-en-Valgaudémar, Le Glaizil, Saint-Firmin, Saint-Jacques-en-Valgodemard,
Saint-Maurice-en-Valgodemard, Villar-Loubière et l'ancienne commune de
Chauffayer (1).
Ce canton a été rattaché au canton de Saint-Bonnet-en-Champsaur en mars 2015.
La
faiblesse de la démographie explique l'intégration progressive des communes du
Valgaudemar au Champsaur.
__________
On
note de suite la complexité de la toponymie avec trois orthographes différentes
du nom de la vallée : Valgaudemar, Valgaudémar, Valgodemard, ce qui conduit à se
poser la question :
Valgaudemar, Valgaudémar ou Valgodemard ?
La
chaîne d'information D!CI Radio posait la question en ces termes en janvier
2015 :
«
Valgaudemar ? Valgodemar ? Valgodemard ? Quelle est la bonne orthographe de
cette magnifique région ? Beaucoup hésitent. »
__________
C’est un peu plus compliqué que cela car il faut distinguer les noms officiels
et les noms d’usage, et pourtant il n’y a pas à hésiter !
__________
Pour le sujet qui nous intéresse, les noms officiels sont les noms de communes
qui sont enregistrés au Journal Officiel et maintenus à jour par l’INSEE et dont
l’orthographe est ainsi en quelque sorte gravée dans le marbre.
Trois communes sont concernées : d’une part, Saint-Jacques-en-Valgodemard et
Saint-Maurice-en-Valgodemard, qui en 1936 ont rajouté le nom de la vallée avec
l’orthographe « Valgodemard » à leur nom conformément à la graphie de l'époque,
et d’autre part, La Chapelle-en-Valgaudémar, créée en 1963 par fusion des deux
anciennes communes de Clémence-d’Ambel et de Guillaume-Peyrouse avec
l’orthographe « Valgaudémar ». Il y a donc deux ‘bonnes’ orthographes :
« Valgodemard » et « Valgaudémar », avec un « é » accent aigu sans doute mis là
pour induire tout le monde en erreur, sauf qu'il est là en réalité pour
transcrire une ancienne prononciation occitane
(2)
comme dans Lubéron.
En
effet, Valgaudemar est l'écriture issue de l'occitan alpin et Valgaudémar en est
la francisation la plus proche de la prononciation locale Vaou Goudemar
(3) [vaw gude'maʁ]
(4).
__________
Pour les noms d’usage, c’est plus simple, car sous l’impulsion de la
cartographie, il ne reste plus que « Valgaudemar », nom géographique et
touristique de la vallée et repris dans le nom de l'ancienne communauté de
communes du Valgaudemar (dont le nom n’a pas de caractère officiel !). La
variante avec un « o » s’est effacée comme l’explique André Faure, mais elle
était encore utilisée, et souvent avec la terminaison « -ard », durant la
première moitié du XXe siècle comme l’attestent les deux noms de communes
introduits à cette époque. Cette graphie semble avoir été introduite sans
justification étymologique par les cartographes du milieu du XVIIIe siècle.
« Valgaudemar », avec « au », sans accent sur le « e » et sans « d » final, est
aujourd’hui le nom communément utilisé pour désigner la vallée de la Séveraisse.
On peut donc considérer que c’est LA bonne orthographe (mais en toponymie, à
part pour les noms officiels, il n’y a pas de ‘bonne’ orthographe, seulement
l’orthographe résultant de l’usage et entérinée par la cartographie).
En
toute rigueur, à l'oral, il faudrait bien marquer le « e », qui n'est pas muet
« é »e]
) mais surtout pas [ə].
Heureusement à l'oral, l'apocope évite de choisir entre Valgo et Valgau, grâce à
une même prononciation [valgo] !
__________
D’anciennes cartes indiquent effectivement « Valgodemard » (N° 189, Briançon S.O.,
1896) ; mais sur les cartes au milieu du XIXe, la commune de Saint-Firmin est
nommée « Saint Firmin en Valgaudemar » (sans les traits d’union requis pour les
noms officiels de communes) et la vallée est désignée sous « Canton de St
Firmin ». Dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, au moment où la cartographie
commence à s’affirmer, les cartes de Bourcet, Cassini et d’Arçon appellent
respectivement la vallée : « Val de Godemar » (Bourcet) ; « Vallée de Godemard »
(Cassini) ; « Val Godemar » (d’Arçon). La carte de Cassini cite en plus « St
Firmin en Valgodemard », « St Jacques en Valgodemard », « St Maurice en
Valgodemard », « la Chapelle en Valgodemard ». Seule aujourd’hui la commune de
Saint-Firmin n’a pas (encore) récupéré le nom de la vallée et reste en
concurrence avec quatre autres communes « Saint-Firmin ». Mais il ne faut pas
oublier que Saint-Firmin ne fait pas partie du Valgaudemar stricto sensu.
«
Vallée de Godemard » (Cassini)
__________
Si
on remonte plus loin dans le temps, on trouve les anciennes graphies :
« Valgaudemar » (1224) ; « Vallis Gaudemarii » (1284) ; etc. Les hypothèses
concernant l’origine du nom sont nombreuses. Une ancienne tradition locale, qui
tient plus de la légende que de l’histoire mais encore tenace, rattache le nom
au dernier roi Burgonde Gaudemar, défait par les Francs en 534 dans la région
d’Autun et disparu corps et biens dans la bataille. Cette hypothèse n’est pas
reprise par les historiens des Burgondes (Escher, 2006) et aucun élément
historique ne la conforte. On ne peut donc pas retenir ce que l’histoire ne dit
pas. Il vaut mieux s’en tenir prudemment, comme André Faure, à un patronyme
germanique attesté « Waldemar ». Il existe encore d’autres hypothèses plus ou
moins sérieuses mais cela nous emmènerait trop loin du sujet.
__________
En
conclusion :
« Valgaudemar » est aujourd’hui LA ‘bonne’ orthographe (5)
du nom qui désigne la vallée de la Séveraisse, mais les noms des communes ont
des orthographes spécifiques à connaître pour pouvoir les citer correctement :
« Valgodemard » pour Saint-Jacques-en-Valgodemard et
Saint-Maurice-en-Valgodemard, et « Valgaudémar » pour La
Chapelle-en-Valgaudémar. Attention au « é » de la Chapelle qui est
particulièrement piège, mais qui est la plus proche de la prononciation locale !
Les
noms avec « o » ou « d » final ne sont plus usités en-dehors des noms des
communes.
__________
Malgré les explications fournies dans l'article, ces trois orthographes créent
une grande confusion. On comprend mal que les élus gaudemarois
(5) négligent cet
aspect des choses et n'éprouvent pas la nécessité d'uniformiser leurs noms
(6).
Seule la graphie historique « Valgaudemar », d'usage courant et déjà utilisée
dans le nom de la communauté de communes, s'impose pour la vallée et, les
diverses communes, y compris Saint-Firmin (7).
Peu importe à ce stade, que Saint-Firmin ne fît pas partie du mandement de
Valgaudemar
(8)
!
__________
Notes :
(1) La commune de Chauffayer a fusionné avec ses
voisines champsaurines Les Costes et Saint-Eusèbe-en-Champsaur pour
former la commune nouvelle d'Aubessagne au
« e » de Valgaudemar n'est pas muet [ə],
d'où cette francisation en
Sa prononciation est en effet très proche de [e],
prononciation du français « é », « tout en étant légèrement plus
centralisé qu'en français. Mais pour une oreille non avertie
toutefois, cette petite différence sera sans aucun doute ressentie
comme un [e] ».
Merci à Nicolas Colomban, linguiste, pour ces renseignements.
Dictionnaire du patois de
Lallé en Valgodemar, 1909, p. 216-217.
(4)
:
la graphie « Valgaudemar » plutôt que
la
graphie francisée « Valgaudémar » :
Certes, la graphie « Valgaudemar » ne tient pas compte de la
prononciation locale du « e » mais elle est conforme à la graphie historique et
dérive directement des formes les plus anciennes : les puristes de la langue
parlée seront déçus, ceux de la langue écrite ne se plaindront pas. Surtout,
elle correspond à l'usage le plus général. La graphie « Valgaudémar »,
introduite seulement en 1963, ne s'est pas imposée. Elle n'est guère utilisée
que dans les documents officiels et apparaît aujourd'hui complètement incongrue.
Son extension au nom de la vallée et aux noms de toutes les communes est vouée à
l'échec.
Vouloir à tout prix conserver la prononciation locale dans la francisation
risque fort de conduire à une impasse, comme cela a déjà été le cas avec le nom
provençal Luberon, francisé en Lubéron pour respecter la prononciation
provençale [lybe'ʁɔ̃]. Les Provençaux sont vent debout contre la graphie
française qu'ils ne jugent pas conforme à la graphie provençale alors qu'elle
transcrit la prononciation provençale. Les néo Provençaux et
tous-ceux-qui-veulent-faire-plus-local-que-les-Provençaux prononcent le nom
provençal à la française donc avec un « e » muet ! Le résultat est
catastrophique, car soit la graphie est française avec une prononciation
provençale, soit la graphie est provençale avec une prononciation française qui
tend vers [lyb'ʁɔ̃] = « lub'ron »...
* Paradoxalement
la prononciation locale, c'est-à-dire dans le Luberon lui-même, est
intermédiaire [lybø'ʁɔ̃] = « lubeuron » avec le « e » prononcé [ø],
« eu », que certains amplifient en [ly'bøʁɔ̃] en forçant sur le « eu ».
L'éradication des 'vilains' patois menée à la fin du XIXe siècle a réussi, au
point que les natifs du Luberon ont francisé (mais avé l'assent,
d'où le [ø] !) leur prononciation du
nom provençal de leur propre pays et voudrait aujourd'hui que tout le monde abandonne
l'ancienne prononciation provençale.
(8) Saint-Firmin peut en plus faire valoir le risque
d'homonymie avec d'autres communes.
__________
Références
:
Dictionnaire du patois de
Lallé en Valgodemar, 1909. Une référence pour les parlers
champsaurins et gaudemarois.