Vallée de l'Ubaye Serre-Ponçon
Ubaye-Serre-Ponçon
La Bréole - Saint-Vincent-les-Forts
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Ubaye-Serre-Ponçon (1) est une commune nouvelle créée le 1er janvier
2017 à la suite du regroupement des deux anciennes communes de La
Bréole et de Saint-Vincent-les Forts, situées sur la rive
gauche du Lac de Serre-Ponçon, dans le département des
Alpes-de-Haute-Provence. Les deux communes s’étaient précédemment
regroupées dans la petite communauté de communes Ubaye/Serre-Ponçon
(du 1er janvier 2002 au 31 décembre 2016). L’intégration au 1er janvier
2017 de cette communauté de deux communes dans la communauté de
communes de l’Ubaye a précipité la création de la commune nouvelle. Son
chef-lieu est situé à La Bréole et les deux anciennes communes sont
devenues deux communes déléguées au sein de la commune nouvelle. Elle
fait partie de la communauté de communes Vallée de l'Ubaye
Serre-Ponçon. |
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Un
regroupement logique, un nom touristique
C’est un regroupement logique de deux communes déjà habituées à travailler
ensemble au sein de la communauté de communes qu'elles constituaient
précédemment (2).
La commune nouvelle a 730 habitants (population municipale au 1er janvier 2019),
dont 352 Bréolais et 378 Pangouniers (3). La commune du
Lauzet-Ubaye, avec ses 198 habitants aurait pu adhérer à la commune nouvelle
pour augmenter le poids de la basse Ubaye dans la communauté de communes Vallée
de l'Ubaye Serre-Ponçon. Mais au sens strict, ni La Bréole, ni
Saint-Vincent-les-Forts ne font partie de l'Ubaye. Une frontière entre le
Royaume de France et les États de Savoie les en séparait et le poids de
l'histoire apparaît encore en filigrane, comme c'était déjà le cas dans le découpage des précédentes
communautés de communes.
La commune nouvelle Ubaye-Serre-Ponçon représente le pôle Serre-Ponçon dans la
communauté de communes Vallée de l'Ubaye Serre-Ponçon, ce qui est surtout
important pour la communication touristique alors même que « le sentiment
d'appartenance des habitants est davantage tourné vers Seyne-les-Alpes, voire
Montclar, communes des Alpes-de-Haute-Provence » (4) que
vers Barcelonnette et l'Ubaye. En considérant en plus que « vu la configuration
des lieux, les habitants se sentent peu rattachés à "l'entité de Serre-Ponçon",
considérant la partie du lac sur leur territoire comme la branche ubayenne :
"Serre-Ponçon, ce sont les autres". » (5), il semble bien
que le nom même de la commune nouvelle résulte, non d'une appartenance, mais
d'un opportunisme géographique et touristique.
À vrai dire, le sentiment de non appartenance à l'Ubaye n'a pas beaucoup évolué.
Ainsi en 1937, il est remarqué que les communes de l'ouest de l'ancien canton du
Lauzet (Pontis, La Bréole, Saint-Vincent et Ubaye) avaient plus de relations
avec Gap qu'avec Barcelonnette et que les relations avec Digne étaient
« insignifiantes » (6).
Aujourd'hui, les cantons du Lauzet et de Barcelonnette ont fusionné et les
communautés de communes ubayennes également, mais Pontis, plus tourné vers
Embrun que vers Barcelonnette, a fait sécession et a rejoint la communauté de
communes haut-alpine de Serre-Ponçon. La roue tourne et le poids touristique de
Serre-Ponçon l'emporte.
Le dynamisme démographique se trouve d'ailleurs de ce côté. Entre 2019 et 2016,
la population de Ubaye-Serre-Ponçon a augmenté de 4 %, tandis que celle du
canton de Barcelonnette diminuait de 2 % et celles additionnées du Lauzet-Ubaye
et de Méolans-Revel chutaient de 4 %.
Ubaye-Serre-Ponçon -
Vue générale par-delà le Sauze-du-Lac,
montagne de Dormillouse (2505 m) |
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Photo
Vallouimages - Février 2019 |
La Bréole
Le
nom de La Bréole apparaît au XIIe siècle sous la forme Bredola dans le
cartulaire des moines de l'abbaye de Saint-Victor. Il est rattaché à l'occitan
breda
/ bredo, buisson, épine (7). Il s'agit d'une probable réactivation
d'un ancien nom dérivé de la racine *bar, rocher, promontoire rocheux (8).
L’habitat va connaître plusieurs localisations. Quand les moines de Saint-Victor
sont présents aux XIe et XIIe siècles, c’est dans un milieu ouvert, non
défensif, sans doute à l’emplacement du village actuel. A partir du début du
XIIIe siècle, un castrum va se former sur un piton difficile d’accès à 1 km au
nord du village actuel, toujours dénommé Le Château. Une nouvelle église est
construite accompagnée du cimetière. Durant les guerres de Religion, le siège et
la prise du château en novembre 1586 par les catholiques marquent la fin du
village perché, l’habitat retournant dans les collines en hameaux et fermes
dispersés (9).
L'église Saint-Pierre actuelle date du XVIe siècle. Mais elle fait suite à un
édifice plus ancien remontant au XIe siècle, un prieuré confirmé à Saint-Victor
en 1079 et 1080 qui deviendra église paroissiale. Abandonnée comme paroisse lors
de l’enchâtellement, avec transmission de la titulature à l'église castrale,
l'église retrouva son statut et sa titulature lors du déperchement en 1586 (10).
Ubaye-Serre-Ponçon |
La Bréole - Église Saint-Pierre (XVIe siècle) |
La Bréole - Clocher en premier plan du Sauze-du Lac |
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Photos Vallouimages - Mars 2012 |
La dispersion de l'habitat sur le plateau qui domine le lac de quelques deux
cents mètres se traduit par une dizaine de hameaux, parfois éloignés du
chef-lieu ; la ferme de l'Aiguille, au fond de la vallée de la Blanche, est le
lieu habité le plus extrême :
Chancelas, souvent écrit Champcelas, par attraction paronymique,
qui désigne un lieu enclos, soit au propre, soit au figuré, de l'ancien occitan
cancèl, chancèl, grille, clôture (11), à
l'est-nord-est ;
Charamel (église Saint-Marc), qui pourrait évoquer un sobriquet construit
sur l'occitan calam, calamel, roseau (à écrire), chaume, chalumeau
(12), au sud du col de Charamel ;
Costebelle ou Coste-Belle (église Saint-Marcellin, mentionnée en
gros caractères sur la Carte de Cassini), beau versant, belle pente (propice à
la culture), au sud-est ;
l’Eygaye
ou l'Egaye, l'eau, au sud du col de Charamel ;
Fermeyer, au sud du col de Charamel ;
les Eyrauds, un patronyme, dans la vallée de la Blanche ;
les Forests, lieu éloigné, au-dessus de la gorge de raccordement de la
Blanche ;
la Garde (église Saint-Barthélemy, 1695), dans la vallée de la Blanche ;
les Goirands, un patronyme, à l'extrémité sud-est ;
les Laphonds ou les Lafons, un patronyme, au sud-est ;
la Rouvière, la rouraie, au sud, en direction du col de Charamel.
De Saint-Vincent-du-Lauzet à
Saint-Vincent-les-Forts
Saint-Vincent-les-Forts, Castrum sancti Vincentii au début du XIIIe siècle, doit son nom
au saint tutélaire de son église,
saint Vincent de Saragosse. À la Révolution, il se nomma Mont-Clocher,
Vincent-la-Lauze, Montrocher en1793, puis en 1801, Saint-Vincent et
Saint-Vincent-du-Lauzet. Il prit son nom définitif, Saint-Vincent-les-Forts, en
1923.
La position stratégique de l'ancien village frontière, construit sur une
crête rocheuse qui domine la basse Ubaye, lui a valu les forts tournés vers
l'amont qui lui ont
donné son nom, du castrum médiéval aux constructions de Vauban du XVIIe
siècle (après les invasions savoyardes de 1690 et 1692), puis de Séré de Rivière
au XIXe siècle, sous la protection de la batterie de Dormillouse, également
appelée Col-Bas ou Colbas (13), point culminant de la
commune à 2505 m d'altitude.
Ubaye-Serre-Ponçon |
Saint-Vincent-les-Forts - À droite, l'Auchette |
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Photo
Vallouimages - Mars 2012 |
Saint-Vincent-les-Forts - Le village et le Fort Saint-Vincent
Un spot pour les parapentistes |
Saint-Vincent-les-Forts - Le Village et les Auches
Église Saint-Pierre (XVIe siècle) et le Fort Saint-Vincent |
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Photos Vallouimages - Mars 2012, février 2019 |
Le village chef-lieu semble être le village historique de
Saint-Vincent-les-Forts. Localement, le nom s'est toponymisé, le Village. Son église érigée en contrebas du fort date
du XVIe siècle. Une première église aurait été édifiée sur le même emplacement
en 1237. Sa position dominante à 1300 m d'altitude permettait aussi de
surveiller les grands chemins descendants de Barcelonnette vers Gap, Embrun et
de contrôler les itinéraires vers Seyne et Digne par les « tourniquets »
du Lauzet, alors à peine praticables à cheval (14,
15).
Il n'a conservé que la mairie annexe et un restaurant d'assez bonne réputation
L'Auberge montagnarde, à la place de l'ancien Hôtel Liotard,
+33 9 86 58 99 83. Une soixantaine de personnes habitent au Village.
Le
hameau du Lautaret , parfois écrit Lautharet, s'est développé en
contrebas au carrefour des routes d'Embrun à Seyne, par Pontis et Ubaye, et de
Gap à Barcelonnette. On l'atteignait depuis le Plan d'Ubaye par une raide montée
de près de 300 mètres, d'où son nom, Lautaret, lieu en hauteur, construit sur
les racines alt / aut, hauteur avec le suffixe -aret.
Aujourd’hui c’est au Lautaret, plus peuplé que le village, que sont implantées
une école élémentaire toute neuve, l'agence postale et une boulangerie faisant
petite épicerie et petite restauration sur place. L'église Notre-Dame de
l’Assomption fut construite au début du XIXe siècle par les paroissiens qui
trouvaient le chemin trop long pour se rendre à l’église Saint-Vincent.
La Carte de Cassini, ci-dessus, indique la présence d'un
moulin alimenté par un canal au Plan d'Ubaye, à proximité du pont. |
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Parmi les autres hameaux de l'ancienne commune, on peut citer :
les Terrasses ; Bronsing, à la graphie fluctuante (16),
obscur ; l'Auchette (17), lieu cultivé ; les
Garreaux, un patronyme ; situés aux alentours du Lautaret ;
Les Chabrands, les Berlies ou Berlis (chapelle
Saint-Antoine), les Giéris, les Rollands, les Mathéris, en
montant du Lautaret jusqu'au col Saint-Jean, vraisemblablement des patronymes ;
la Combe, en arrivant au chef-lieu ; le Villaret, sur un replat
dans la pente sous le chef-lieu à l'est, dont le nom atteste l'ancienneté
au moins moyenâgeuse.
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Notes :
(a) Cadran solaire signé JFG, Jean-François Gavoty,
2015, Can vei la lauzeta, « Quand je vois l’alouette… ».
Lauzeta, selon l'écriture d'origine chez Bernart de Ventadour au
XIIe siècle.
Can vei la lauzeta mover.
(b) Sculpture sur bois d'Alexandre
Berlioz, 26400 Allex, devant la mairie annexe.
(1) Conformément aux recommandations de la Commission
nationale de toponymie (CNT), la graphie officielle du nom de la
commune nouvelle est Ubaye-Serre-Ponçon, et non Ubaye –
Serre-Ponçon ou Ubaye Serre-Ponçon. Tous les mots
constitutifs doivent en particulier être reliés par des traits
d'union (à l'exception d'un éventuel article initial), sans espace
de par et d'autre. Les traits d'union marquent l'unité
administrative de la commune alors que Ubaye et Serre-Ponçon sont
deux entités propres. L'erreur est même commise sur le site internet
de la commune où les deux graphies proscrites sont utilisées.
(2) Le message du maire, Jean-Michel Tron, à
l'occasion de la création de la commune nouvelle :
« Le 1er janvier 2017 est une date historique pour
nous. Saint Vincent les Forts et La Bréole se sont effacés pour voir
naître Ubaye Serre-Ponçon. Notre nouvelle commune s’étend à présent
du Villaret à Chaussetive.
Cette décision politique qui était évoquée depuis de nombreuses
années s’est concrétisée avec la réforme territoriale voulue par
l’état, la fusion de nos deux inter-communalités a provoqué le
mariage de nos deux communes. En effet le choix était de grandir
pour être plus fort, pouvoir exister dans la vallée de l’Ubaye et
plus encore en être une richesse. Nous sommes à l’entrée de cette
vallée, nous devons en être la vitrine. Conscient du potentiel en
matière touristique et économique, notre commune est à un point
stratégique de développement à mi-chemin entre Gap et Barcelonnette.
»
(3) Si le nom des habitants de La Bréole, les
Bréolais / Bréolaises, va de soi, celui des habitants de
Saint-Vincent-les-Forts, les Pangouniers / Pangounières, ressemble
plus à un sobriquet. Il est construit sur le mot occitan pangoun
qui désigne une attelle, pièce qui ferme le joug sur le col d'un
animal de trait, cheval ou bœuf, permettant ici de tirer les grumes
de mélèzes jusqu'à l'Ubaye. Le
radellage assurait ensuite leur transport jusqu'au Rhône et
au-delà. Le sobriquet ferait des Pangouniers ceux qui tirent les
grumes, ou, peut-être, au sens figuré, ceux qui vont cahin-caha,
ceux qui hésitent... Mistral, t. 2, p. 470.
(4) Plan local d'urbanisme : Rapport de
présentation, Saint-Vincent-les-Forts, octobre 2018, p. 16.
(5) Ibid.
(6)
Élie Reynier,
« Un
canton qui décline : Le Lauzet (Basses-Alpes)
», Revue de
géographie alpine, tome 25, n°1, 1937. p. 230.
(7) Astor, p. 150. Mistral, t. 1, p. 365.
(8) Morabito1, p. 142.
(9)
Daniel Thiery, « La
Bréole », Aux origines des églises et
chapelles rurales des Alpes-de-Haute-Provence, publié le 13
décembre 2010, mis à jour le 19 décembre 2010, consulté le 5 mars
2019.
(10) Laurent Del Fabbro,
« Essai
de datation »,
Aux origines
des églises et chapelles rurales des Alpes-de-Haute-Provence,
publié le 7 février 2012, mis à jour le 28 décembre 2017, consulté
le 5 mars 2019.
(11) Astor, p. 230.
(12) Astor, p. 302.
(13) Croix du Colbas,
Carte de Cassini ; Colbas Signal, minutes au 1/40 000 de la carte de
l'état-major (1820 - 1866) ; le Colbas, Reynier, op. cit.,
p. 225.
(14)
Christian Michel, « Une
frontière convoitée durant trois siècles »,
Bulletin municipal, Saint-Vincent-les-Forts, 2015. Article
non sourcé et souvent copié/collé.
(15)
Philippe Truttmann,
David Faure-Vincent, « Ensemble
fortifié de Saint-Vincent-les-Forts, de l'organisation défensive
de l'Ubaye », L'inventaire général de la région
Provence-Alpes-Côte-d'Azur,
Dossier IA04000031 réalisé en 1993.
Ce n'est qu'au milieu du
XIXe siècle que la route actuelle (D 900) fut ouverte, lorsque la
construction de la forteresse de Tournoux (1846-66) eût assuré son
contrôle au-delà et à l'est de Barcelonnette. Jusque là, malgré les
apparences, la vallée de l'Ubaye n'a constitué qu'une voie de
pénétration très secondaire impraticable au charroi.
(16) Les Bronseinsq,
Carte de Cassini ; Bronseinq, minutes..., op. cit. ;
Broncinq, Georges Mantoy, Quelques aspects de la
commune de Saint-Vincent-les-Forts [...], Sabença de la Valéia,
1986, p. 2.
(17) Louchette, Carte de
Cassini ; L'Houchette,
minutes..., op. cit.
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Saint-Vincent-les-Forts
L'émotion physique de
Jean Giono devant Saint-Vincent-les-Forts
Inscrit sur la liste noire du Comité national
des écrivains et interdit de publication, Jean Giono y fut
incarcéré dans l'ancienne caserne Courtigis le 27
septembre 1944.
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Références
:
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