Certes, ce
documentaire ne sera certainement pas le plus mauvais que l’on verra sur le
sujet. Il comporte des éléments intéressants et de magnifiques vues du Cervin.
Bien sûr, le côté journalistique simplificateur conduit à plusieurs imprécisions
et erreurs, qui restent néanmoins plutôt de l’ordre du détail.
Mais le choix du fil conducteur autour du descendant de Hadow nuit beaucoup à la
clarté du documentaire car on suppose d’entrée de jeu un possible manque
d’objectivité qui éclatera par la suite. Et, plus grave encore, certains faits
sont torturés à l'extrême au point d'être complètement transformés alors que
d'autres sont complètement ignorés.
Le déroulement
de l’ascension est tout simplement imaginé, voire inventé, notamment le
final et le comportement de Whymper. Quand on ne sait pas, on ne dit pas, ou
alors avec toutes les précautions nécessaires.
Plusieurs
hypothèses sont avancées et discutées, certaines fantaisistes, avant d’être
rejetées. Bizarrement la dernière n’est qu’avancée mais n’est pas discutée,
alors qu’elle ne repose que sur de bien hypothétiques suppositions. Déjà,
elle est introduite par la prétendue « découverte » du livre « Matterhorn
centenary » de sir Arnold Lunn publié en 1965 à l’occasion du centenaire de
la première ascension. Ce livre n’a évidemment pas été opportunément
redécouvert par le descendant de Hadow. Il est bien connu et il figure dans
toutes les bonnes bibliographies et bibliothèques. Alors, pourquoi ce
mensonge, ici pas neutre du tout ? Pourtant, insidieusement, cette
hypothèse, non discutée et pas plus fondée que les autres, s’impose de fait
comme la conclusion du documentaire.
La question de
départ était : assassinat, sabotage ou accident ? Rien que ça ! Ni
l'assassinat, ni le sabotage ne sont établis. Au contraire. Reste l’accident
: Hadow a chuté et a entrainé Croz dans sa chute. La faiblesse de la corde
entre Douglas et Taugwalder père suffit à expliquer sa rupture. Inutile
d’aller chercher des explications alambiquées qu'aucune preuve ne viendra
étayer.
La démarche de
vouloir à tout prix trouver un responsable va vite devenir insupportable, si
elle doit se poursuivre, surtout si les faits sont travestis comme dans ce
documentaire.
Falsification
pour falsification, on préfèrera « L'appel de la montagne » (2),
tourné en 1937 et diffusé également par ARTE le 7 avril. On comprend plus
vite qu'il ne s'agit pas d'une reconstitution mais d'une fiction dans le
cadre montagneux de 1937 (3) et
dans l'ambiance nationaliste de l'époque.
Un très bon point : le nom de Michel Croz est pour une fois correctement
prononcé dans tout le documentaire.