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Queyras

 

 

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Toponymie du Queyras

Étymologie des noms de lieux

Queyras - Origine, signification et prononciation

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Parmi les questions de l’été 2020, deux concernent le nom « Queyras » : son origine et sa signification, et surtout sa prononciation.

Arvieux - Le Queyron

Arvieux - Plateau et maisons du Queyron

Photo Vallouimages - Août 2020

 Concernant l’origine, l’éponyme, c’est-à-dire le nom qui a donné son nom à tout le reste, c’est le rocher central sur lequel a été construit Fort Queyras, de la racine préceltique *car = « pierre, rocher ». D’où le nom de la peuplade celto-ligure, « les Quariates », qui s’y était établie et par extension le nom de leur territoire, francisé en « Queyras ». À ce stade, c’est suffisant, mais l’historiographie du nom est complexe et les discussions ont été nombreuses, mais cela nous emmènerait trop loin. Un jour, peut-être...

La terminaison -AS est plutôt augmentative, la terminaison -ON est plutôt diminutive. En illustration, le plateau du Queyron sur les rochers qui justifient le nom.

Arvieux - Le Queyron

Arvieux - Plateau et maisons du Queyron

Photo Vallouimages - Août 2020

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Concernant la prononciation, on a le choix en français entre "cairass" et "caira". En occitan, toutes les lettres se prononcent et ce serait donc plutôt "cairass", en prononçant le S. Il s’agit d’ailleurs de la prononciation ancienne en Queyras et Guillestrois et plus généralement en Embrunais, contrairement au Briançonnais, où le S ne se prononçait/prononce pas.

On peut s’amuser à relever les différentes prononciations, variables selon les locuteurs !

En français : "cairass" = [kɛ'ʁas] (R français standard, comme dans ‘rat’ ; S fortement prononcé).

En français-pour-faire-local : "caira" = [kɛ'ʁa] (R français standard ; S non prononcé).

En français local : "caira" = [kɛ'ra] (R plus ou moins roulé ; S non prononcé) qui tend à supplanté "cairas" = [kɛ'ras] (R plus ou moins roulé ; S prononcé).

En occitan alpin : "Queïrà(s)" = [kɛj'ɾa(s)] (Y semi-voyelle [j] = -ye- ; R battu ; S prononcé ou pas, selon les lieux et les époques), voire en Briançonnais [kɛ'ɾa] (R battu ; S non prononcé) et même [ki'ɾa] à Villar-Saint-Pancrace ou [ke'ɾɒ] à Cervières.

Fort Queyras

Château-Ville-Vieille - Fort Queyras, construit sur un verrou rocheux

Photos Vallouimages - Octobre 2017

Chabrand et Rochas à la fin du XIXe siècle (1877) avaient bien repéré les différences de prononciation entre d’un côté le Queyras, le Guillestrois et l’Embrunais "Queïràs" = [kɛj'ɾas], et d’un autre le Briançonnais "Cairà" = [kɛ'ɾa], également notées par Nicolas Colomban dans ses recherches locales actuelles.

L’amuïssement des consonnes finales en Briançonnais (toutefois moins marqué au Monêtier, dans le Val Cluson et le Val Germanasca), est d’ailleurs une caractéristique de l’occitan alpin briançonnais, contrairement à l’occitan alpin embrunais parlé en Queyras et Guillestrois [Sibille 2003] où elles se sont maintenues quasiment jusqu’à aujourd’hui.

Autrement dit, les deux prononciations ont eu cours dans les parlers locaux, mais les premiers concernés, les Queyrassins et les Guillestrins, prononçaient le S final, conformément à la prononciation naturelle en occitan !

Fort Queyras

Château-Ville-Vieille - Fort Queyras, construit sur un verrou rocheux

Photos Vallouimages - Octobre 2017

Aujourd’hui, l’usage local a évolué et la non prononciation du S s’est étendue, y compris en Queyras. Elle est même devenue un marqueur distinguant les « locaux » des « non locaux » (comprendre « les touristes » !), mais ce marqueur n’a pas vraiment de fondement… local, et même pas du tout en Queyras !

Alors autant que les dits « touristes » et tous les autres, mais aussi les habitants, ne se prennent pas la tête et prononcent comme ils le veulent : inutile pour les premiers de vouloir faire-plus-local-que-les-locaux en ne prononçant pas le S alors que c’est l’ancienne prononciation locale en patois ; inutile pour les Queyrassins de s’en moquer puisqu’eux-mêmes ont abandonné la prononciation de leurs anciens pour adopter celle de leurs voisins briançonnais qui ne prononçaient pas le S final.  

Tous ont oublié que les difficultés de prononciation ne portent pas sur le S final, mais sur le Y et sur le R, aujourd’hui prononcés en français par tous.

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On peut regretter, en effet, que ce débat sur la prononciation ou non du S final fasse passer au second plan la disparition accélérée de la prononciation du Y (-ye-). On est passée de "Queïrà(s)" = [kɛj'ɾa(s)] à "caira(s)" = [kɛ'ʁa(s)]. Déjà Chabrand et Rochas distinguaient "Queïràs" en Embrunais et en Queyras et "Cairà" en Briançonnais. C’est le même appauvrissement déjà signalé dans « Entre les Aygues » et « la Biaysse », en Vallouise et dans la vallée de Freisinières, qui sont comme le Queyras rattachées linguistiquement à l’Embrunais.

Quant au R, on est passer du R battu [ɾ], au R roulé [r], et maintenant au R français ou standard [ʁ] du mot "rat" !

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Citation de l'article :

Billon-Grand (P.) – « Queyras - Origine, signification et prononciation », Toponymie du Queyras, Vallouimages, 2020.

Lien : http://www.vallouimages.com/toponymie/queyras/articles/queyras.htm

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Notes :

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Références :

J.-A. Chabrand, A. de Rochas d’Aiglun, Patois du Queyras et des Alpes Cottiennes et en particulier du Queyras, 1877.

J. Sibille, La Passion de Saint André : drame religieux de 1512 en occitan briançonnais : édition critique, étude linguistique comparée, Thèse de doctorat, Université Lyon 2, 2003.

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Octobre 2004