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Lac Palluel et Grand Pinier en août 1979 - les névés sont encore bien présents

Lac Palluel et Grand Pinier

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 Lac Faravel et Petit Pinier

Verrou du lac Faravel et Petit Pinier (3100 m)

 

 

Opérations archéologiques  réalisés dans le cadre du Programme Collectif de Recherche "Occupation du sol et Pastoralisme de la Préhistoire au Moyen Âge dans le sud du massif alpin"  (Centre Camille Jullian, coord. Ph. Leveau) et du programme Environnement, Vie et Sociétés du CNRS "La forêt et le troupeau dans les Alpes du sud du tardiglaciaire à l'époque actuelle"

Kevin WALSH, Responsable de l'opération archéologique, Depart. of Archaeology, Université de York

Florence MOCCI

(CNRS - Centre Camille Jullian)

 

 

Montagne de Faravel

Montagne de Faravel et Vallon du Pont de Fe -  dans le creux, Fangeas

Ruines à Faravel

Ruines dans les alpages de Faravel - Il n'était pas encore question de 'site archéologie' en août 1979 !

Site archéologique de Faravel

L'un des sites archéologiques de Faravel

Site archéologique de Faravel

L'un des sites archéologiques de Faravel

Site archéologique de Faravel

L'un des sites archéologiques de Faravel

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Le Grand Pinier

Sommet du Grand Pinier (3117 m), ancien Dôme de glace ???

 

 

 

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Occupation humaine

Données archéologiques récentes mises en situation

Les opérations archéologiques de prospection - inventaire et de fouilles menées depuis 1998 dans la Vallée de Freissinières ont complètement renouvelé les connaissances sur l'occupation humaine en altitude dans la région.

La prospection systématique réalisée en 1998 avait déjà permis d'inventorier 80 sites - vestiges de structure bâtie - ou indices de sites - aménagements mal définis imputables à l'homme. Leur répartition entre les périodes historiques donnait la prééminence aux sites modernes et contemporains, avec très peu d'indices de sites protohistoriques et médiévaux  et  aucun de l'antiquité.

Protohistoriques : 4, médiévaux : 4, XVIe - XVIIIe s. : 23, XVIIIe -XIXe s. : 30, XIXe - XXe : 6, indéterminés : 13

L'occupation de la vallée semblait donc plutôt tardive, après le Moyen Âge. Pourtant des vestiges de l'âge du bronze - un torques en argent massif, plusieurs colliers et bracelets de cuivre - avaient été trouvés par hasard à Pallon, sans possibilité d'identification de sites et attestait la présence humaine à cette époque, au moins à l'aval de la plaine de Freissinières alors noyée derrière un barrage rocheux résultant du glissement des versants. Même la présence de la station de Rama le long de la Durance et la voie prétendument romaine montant à Champcella n'ont pas induit de site archéologique prouvant de façon certaine l'occupation de la vallée. La tradition qui voulait que ce furent des Lombards défaits qui fondèrent Dormillouse en 524, indiquait malgré tout une occupation ancienne de la haute vallée. Pourtant l'ancienneté du nom - racines oronymiques pré-indoeuropéennes DOR et MEL - plaidait déjà pour une occupation antérieure - ligure ? - de près d'un millénaire ! (?).

Par contre, l'explosion démographique et l'occupation de la haute vallée sont certaines à l'époque moderne - largement confirmées par le nombre de sites - et même avant, Faravel (en 1170 et en 1401), Freissinières (en 1210), les Roberts (en 1360), Dormillouse (en 1401), par exemple, sont connus et cités - un site médiéval identifié où furent trouvés des céramiques du XIVe siècle se situe d'ailleurs au lieu-dit la Bastie, à l'ouest de Dormillouse. Une position défensive, vu le nom ?

Les résultats des fouilles effectuées de 1999 à 2003 (dernière publication) ont complètement bouleversé ce schéma traditionnel et mis en évidence des passages et ensuite une occupation humaine bien plus anciens que ce que l'on pouvait imaginer précédemment.

Il est intéressant de noter que des recherches similaires entreprises côté Champsaur vont dans le même sens.

Les sites des fouilles sont tous à plus de 2000 m, sur la Montagne de Faravel et en contrebas à Fangeas, et, dans le Vallon de Chichin indiquant une occupation de l'espace en altitude. Pas ou peu de sites sont répertoriés dans la Combe - enfouis ?, vers le Plan - noyé avant le haut Moyen Âge - ou la Poua - sous les constructions existantes ?.

Les observations locales ont permis d'inventorier de nombreux sites ou indices de sites supplémentaires et ... toujours plus hauts !

Les plus anciennes traces de passage sur la Montagne de Faravel à plus de 2300 m datent de la fin du Paléolithique supérieur, c'est-à-dire dès la fin de la dernière glaciation, il y a quelques 12000 ans. Il s'agit d'un bond fantastique dans le passé : des hommes déjà modernes, sans doute chasseurs, auraient parcouru les hauteurs au passage du Pléistocène à l'Holocène. C'est tellement extraordinaire que les chercheurs qui ont trouvé les deux petites pièces de silex de cette époque, indices bien ténus,  sont d'une prudence de sioux dans leurs conclusions ! Pour situer le fait, l'homme de Similaun, le fameux Ötzi, mourut  8000 ans après ces premiers visiteurs. En fait, on ne peut pas espérer remonter plus loin dans le temps, on est à la limite possible pour disposer de vestiges ou d'indices, puisque les glaciers venaient juste de se retirer. Ils ne devaient d'ailleurs pas être très loin et le climat devait être encore bien rude à cette époque ... mais la Montagne de Faravel a la meilleure exposition de la vallée, ceci expliquant le nombre de sites archéologiques inventoriés.

Le Mésolithique, beaucoup plus chaud - sans doute plus qu'aujourd'hui - et donc particulièrement favorable à la fréquentation de l'altitude a vu le passage saisonnier de chasseurs - cueilleurs, toujours sur la Montagne de Faravel.

Le pastoralisme apparaît au Néolithique, dans le Vallon de Chichin vers 2100 m, et, sur le Plateau de Faravel encore. Les premières installations temporaires avec production locale d'outils datent sans doute de cette époque. Le Vallon de Chichin vers 2100 m a alors une végétation arborée et arbustive, semblable à celle de l'étage subalpin actuel, éricacées, mélèzes, pins cembros, ...

Les plus anciens charbons de bois datés au 14C sont de l'âge du bronze ancien, 3000 ans avant notre ère. Une cabane, un enclos pastoral à Faravel à plus de 2300 m, où ne se rencontrent plus que des pins cembros, ont été fréquentés à cette époque. Sans doute, aussi le Vallon de Chichin à plus de 2200 m avec une activité pastorale d'altitude. La végétation environnante comporte ici mélèzes, pins cembros, genévriers et bouleaux.

Faravel encore est occupé au 1er âge du fer à 2150 m. Les environs sont arborés, pins cembros et mélèzes.

Les gallo-romains montent jusqu'à 2450 m, au 1er siècle de notre ère, installer une cabane pastorale sur la Montagne de Faravel. Seuls les pins cembros poussent encore à cette altitude, les mélèzes ont quasiment disparu.

Pas de site identifié  à la fin de l'Antiquité et à l'époque - VIe siècle de notre ère - de l'installation présumée des Lombards à Dormillouse, ce qui porte un coup sérieux à la légende de la fondation de Dormillouse par les Lombards.

Regain d'activité en altitude au Moyen Âge. D'abord au Haut Moyen Âge - VIIIe siècle - à Fangeas, puis à l'époque médiévale - du XIIe au XVe siècle - sur la Montagne de Faravel sur un site déjà occupé au Néolithique et à Fangeas, à nouveau. Mais là, l'exploitation d'une mine de plomb argentifère se rajoute à l'activité agricole (fauche et non pastoralisme).

Les conditions climatiques changent durant cette période. Le petit optimum médiéval - alias POM - commencé au début du IXe siècle, culmine au XIIIe siècle, "le beau XIIIe siècle estival" de Emmanuel Le Roy Ladurie, sec et chaud - plus chaud qu'aujourd'hui ! - avec une forte poussée démographique et des conditions de vie très favorables en altitude - du moins pour l'époque. Il se termine aussi avec le siècle.

Le XIVe siècle, lui, marque le début du premier hyper-PAG, petit âge glaciaire, avec son cortège de pluies, mauvaises récoltes, famines, fortes mortalités, guerres, peste noire, forte mortalité à nouveau, et j'en ai peut-être oublié ... Bref, un sale temps, pas forcément beaucoup plus froid, mais qui s'est vite traduit par une première poussée des glaciers. Encore que les mauvaises conditions générales surtout décrites au nord ont pu être atténuées dans le sud. Pour ce qui nous intéresse, le changement climatique et les difficultés de l'époque n'ont pas interrompu l'occupation des sites d'altitude.

Les analyses des charbons de bois ont également permis une meilleur connaissance de la végétation d'altitude autour des différents sites. Il ressort que la limite supérieure de la végétation arborée se situait à des altitudes bien supérieures à celles d'aujourd'hui, et ce, du  Néolithique au Moyen Âge.

Grosso modo, mélèzes et pins cembros faisaient jeu égal entre 2000 m et 2200 m, puis le pin cembro prenait peu à peu le dessus au point d'être le seul arbre poussant à plus de 2300 m et jusqu'à 2500 m.

L'arolle ou pin cembro était donc l'essence reine à l'époque, en des endroits où il n'est plus présent aujourd'hui, ou à l'état de relique comme c'est encore le cas au pied du Mont Viso dans la Haute Vallée du Guil. Son nom est encore très présent dans la toponymie du Queyras et des vallées piémontaises, alors qu'il est absent de la toponymie locale, laissant penser à une disparition assez ancienne.

L'ancienneté de l'occupation mérite d'être confrontée à l'ancienneté des toponymes. Les Quatre principaux du secteur Faravel, Palluel, Pinier (Grand et Petit) et Dormillouse relèvent parfaitement le défi, tous issus de racines pré-indoeuropéennes :

 Dormillouse - Dormillosa en 1401, Durmelho en 1478 - provient des deux racines oronymiques pré-indoeuropéennes DOR et MEL, plutôt que d'une désignation de la marmotte - localement MURET < latin MUS, le rat.

Faravel - Falavello en 1170 et 1401 - provient de la racine FAL, elle-même possible variante de la racine PAL, signifiant toutes deux hauteur, rocher. Dauzat Deslandes Rostaing rajoutent un double suffixe AV-ELLUM, mais il s'agit peut-être tout simplement d'une tautologie avec la racine pré-indoeuropéenne  VAL, VEL, encore une autre variante de FAL, signifiant aussi hauteur, rocher.

Palluel : en plaine ou vallée humide, on pense à PALUD, le marais et Palluel serait le petit marais. Problème, il n'y a pas de marais aux alentours, mais un beau lac glaciaire en altitude, sur les rochers, pas marécageux pour deux sous, y compris sur les pentes inférieures. Comme Faravel tout proche, Palluel pourrait être une autre variation sur la racine PAL, hauteur, rocher, peut-être même également tautologique, une variante du même nom, en quelque sorte.

Pinier (Petit et Grand), les deux sommets phares du secteur, surtout le Grand Pinier, dans l'axe de la vallée. Si son deuxième nom, Pic Brun, peut se comprendre d'après la couleur de ses roches, Pinier ne peut provenir du pin, - même si il y a eu attraction - mais plutôt d'une variante de la racine encore pré-indoeuropéenne PEN, montagne, hauteur, rocher. À noter que Pic Brun et Rochebrune se font face dans l'axe de la Vallée de Freissinières.

Pin cembro est le nom savant de l'arolle, appelé alève dans la région avec de multiples variantes locales.

Ouvrages consultés

Baridon, 1934 : BARIDON (F) - Le Val de Freissinières, Monographie communale

Baridon et al, 1989 : BARIDON (H), LEROY (Y), CARLIER (P) - Sur les traces des bergers et chasseurs de Dormillouse

Dauzat et al, 1982 : DAUZAT (A),  DESLANDES (G),  ROSTAING (C) - Dictionnaire étymologique des noms de rivières et de montagnes en France

Faure, 1998 : FAURE (A) - Noms de lieux & noms de famille des Hautes-Alpes, Espaci Occitan

Le Roy Ladurie, 2004 : LE ROY LADURIE (E) - Histoire humaine et comparée du climat - Canicules et glaciers - XIIIe - XVIIIe siècles- Fayard

Roman, 1884 : ROMAN (J) - Dictionnaire topographique du département des Hautes-Alpes, Lacour/Rediviva, rééd. 2000

Rousset, 1988 : ROUSSET (PL) - Les Alpes et leurs noms de lieux - 6000 ans d'histoire ?

Ségard et al, 2003 : SEGARD (M), WALSH (K), COURT-PICON (M) avec la collaboration de MOCCI (F), PALET-MARTINEZ (J) - "L'occupation de la haute montagne dans les Alpes occidentales : apport de l'archéologie et des analyses paléoenvironnementales", dans Permanences et changements dans les sociétés alpines, BOËTSCH (G), DEVRIENDT (W), PIGUEL (A) (Dir.), Actes du Colloque de Gap (juillet 2002), Edisud, 2003, p. 17-30

Walsh 1998, 1999, 2000, 2001, 2002, 2003 : WALSH (K) - Rapports de prospection-inventaire et différents Documents Finals de Synthèse

Site internet de l'Université d'York : History and archaeology of human activity in the southern French Alps

Articles connexes :

Haut Fournel - 2008     (Décembre 2008)

Fouilles archéologiques dans le haut Fournel (été 2008)

 

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Octobre 2004