Le site internet de
Ceillac communique
ce jour un projet de barrage à Ceillac, mais s'arrête en
chemin en ne révélant curieusement qu'une toute petite partie des projets en
cours.
Ce projet qui devait rester
ultra-confidentiel de par ses impacts, n'existe en effet qu'en réaction à un
ensemble de projets encore plus pharaoniques. Maintenant que le projet de Ceillac
est sorti, il faut bien parler des autres pour mieux comprendre les
enjeux et éviter la désinformation qui va forcément survenir.
Une véritable guerre de l'eau se profile en
effet dans les Hautes-Alpes entre les communautés de
communes du Briançonnais (CCB), du Pays des Écrins
(CCPE) et de l'Embrunais, chacune d'une couleur politique
différente. Les 2 comcoms du Guillestrois et du
Queyras ne pouvaient pas rester sans réagir de leur côté.
Chaque comcom veut rester maître de son eau
et ne pas la refiler à son voisin sinon au prix fort. Les 2 comcoms du nord du département
ne supportent plus de voir leur eau enrichir l'Embrunais avec
Serre-Ponçon. C'est bien le seul point sur lequel elles
sont d'accord d'ailleurs.
La CCB projette donc un barrage dans les
gorges de la Durance à la hauteur de la vieille ville qui
noierait le long et profond ombilic en amont. Les eaux de la vallée
de la Guisane où il n'est pas possible de construire un barrage
seraient dérivées dans la retenue ainsi créée.
La CCPE a dans ses cartons un vaste
ensemble qui lui permettrait de bloquer et de conserver 90% de ses eaux.
L'élément central serait un barrage sur la Durance dans les
gorges sous Queyrières, complété par un 2e sur la
Gyronde à la Bâtie et un 3e sur la Biaysse
à Pallon. Les 3 retenues seraient interconnectées par un
réseau de galeries souterraines pour éviter toute fuite d'eau en aval. Car
le Pays des Écrins est ici en position de force avec ses
glaciers d'altitude. Le projet prend en effet à ce niveau une dimension
complètement surréaliste. L'eau au lieu d'aller vers l'aval serait au
contraire turbinée vers l'amont pour alimenter un réseau de canons à neige
dans les bassins supérieurs du Glacier Blanc dans un
premier temps et du Glacier Noir dans un second temps.
Grâce au froid nocturne en altitude, les canons pourront parfaitement
fonctionner l'été. Théoriquement, le système serait calibré pour tourner en
circuit fermé.
On voit tout de suite les avantages pour le Pays des Écrins
: une autonomie énergétique, plus besoin de réserves collinaires, des
possibilités d'irrigation sans limite et surtout la possibilité de vendre
son eau au prix fort à l'Embrunais qui en aura bien besoin
pour remplir Serre-Ponçon.
Le Guillestrois et le
Queyras ne pouvaient pas rester sans réagir. D'où le projet
de barrage à Ceillac pour son autonomie énergétique, ses
canons à neige et la vente d'eau à Serre-Ponçon. Un autre
barrage est à l'étude à Château-Queyras mais l'importance
des zones noyées le fera sans doute abandonner. Pour faire passer la pilule
aux habitants de Ceillac, on leur fait miroiter la
localisation de leur nouveau chef-lieu à 2050 m ce qui en ferait la commune
la plus haute d'Europe. Je suis allé vérifier ce que les habitants de
Saint-Véran en pensent. Ils voient ça d'un œil goguenard
car il leur serait facile de construire un hameau destiné à devenir le
nouveau chef-lieu 100 ou 200 m plus haut. En accord avec Molines,
ils n'excluent d'ailleurs pas eux-mêmes un barrage sous l'église de
Molines.
Cette fuite, qui survient un jour bien
choisi, sans doute pour torpiller le projet, est donc tout sauf anodine
.
Vallouise, le 1er
avril 2008