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Les quartzites du Fournel
qui renferment le minerai de plomb argentifère sont parmi les roches les plus
dures. Il est vain de vouloir les tailler avec un pic ou une pointerolle, même très affûtés. Le recours à la technique de taille au feu a été
incontournable. Elle consiste à établir au pied du front de taille, un bûcher
dont la combustion va provoquer une montée rapide en température de la roche,
et, sa fissuration vers 600°C ; un phénomène appelé l'étonnement.
Cette technique fut utilisée dans le monde entier depuis la nuit des temps.
Grande consommatrice de bois, elle fut progressivement abandonnée suite aux
conséquences de la déforestation et remplacée par l'abattage à l'explosif.
Cependant, elle fut pratiquée jusqu'en 1890 dans les pays nordiques. On en
connaît donc les grandes lignes grâce aux anciens traités d'exploitation.
Document CCSTI Saint-Jean
Cette technique fut
employée durant la phase d'exploitation médiévale des mines du Fournel.
Les excavations caractéristiques, la suie qui recouvre nombre de parois, les
traces de charbons de bois et les puits d'aération l'attestent largement.
Jusqu'au nom de Fournel qui pourrait évoquer les 'fours' dont la fumée
sortait dans les gorges.
Les charbons de bois retrouvés dans les anciens
travaux du Fournel indiquent que les mineurs brûlaient principalement du
mélèze et dans une moindre mesure du pin sylvestre, mais pas de sapin.
Ce qui exclut l'hypothèse parfois avancer qui attribue à la mine la disparition
du sapin dans le vallon, ce qui est d'ailleurs erroné.
Les feuillus apparaissent très exceptionnellement même pour les périodes les
plus anciennes -
Xe-XIIe siècles. Ils ne sont pas exploités pour l’abattage par le feu car
probablement pas ou peu disponibles dans le territoire d’approvisionnement en
bois des mineurs. Ces bois pouvaient aussi être réservés pour d’autres activités
moins consommatrices - feu domestique.
Il ne faut pas oublier que nous sommes dans un contexte de consommation
industrielle du combustible même pour le Moyen Âge. Les mineurs s’adaptent donc
à leurs ressources et vont puiser leur combustible là où il se trouve en
abondance.
Pour
en savoir plus, voir le paragraphe sur la
gestion du bois
à l'époque médiévale.
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Expérience d'abattage au feu - un autre type de bûcher |
Photos Vallouimages -
Janvier 2006 |
Cliquer sur les
photos pour les agrandir |
Les scientifiques
du service culturel municipal de l'Argentière-la-Bessée - CCSTI essaient
de retrouver les techniques d'antan pour mieux comprendre le mode d'exploitation
des mines à l'époque médiévale et la maîtrise du savoir brûler qui était celle
des mineurs moyenâgeux.
Différents types de bûchers ont été
expérimentés
- 2 types distincts
figurent sur les photos en marge et ci-dessus -
afin d'évaluer leur influence sur l'attaque de la roche.
130 expérimentations
ont déjà été réalisées permettant d'obtenir une cavité de l'ordre du m3.
Dans le meilleur des cas, l'avancée pour un feu est de l'ordre de 2 cm. Pour
percer cette galerie de petit gabarit, des bûches de 20 à 35 kg de bois bien sec
ont été utilisées.
L'hiver apparaît la saison la meilleure pour le tirage à causes des forts écarts
thermiques entre l'intérieur et l'extérieur - la température dans la mine est
inférieure à 5°C alors qu'elle peut plonger dans le même temps sous les -20°C à
l'extérieur. C'était le cas en janvier
2006 où les bûches se sont embrasées en quelques minutes sans fumée gênante aux
alentours - voir la netteté des photos. À l'extérieur de la mine, il est frappant de voir la
fumée sortir du sol par les anfractuosités du rocher et
les galeries d'aération.
La température est
enregistrée en continu en divers points du foyer, notamment au contact de la
roche. Elle est aussi mesurée devant le foyer et en deux points distants. Le
suivi de l'hygrométrie complète les mesures physiques.
Au bout d'un quart d'heure
de combustion, alors que la température atteint 450°C, la roche
commence
à étonner,
éclatement sourd de la roche pouvant s'accompagner de projections de
fines lames jusqu'à parfois plus de 5 mètres de distance. La température
dans le foyer peut s'élever jusqu'à 800°C
- 799,6°C lors de
l'expérience !
Après avoir ramassé les déblais de l'étonnement, une purge au marteau
abat encore autant de roche. Le tout est tamisé, calibré et, bien sûr,
pesé. |
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Purge au marteau |
Tamisage et calibrage |
Photos Vallouimages -
Janvier 2006 |
Les produits anthracologiques de l'abattage au feu sont
aussi récupérés et systématiquement analysés :
quantification et pesée des restes, part des différentes
fractions résiduelles -
esquilles, ...
, examen des traces laissées par le feu -
état du charbon, vitrification, ...
[Étude effectuée par Vanessa Py].
Ces reconstitutions des
techniques ancestrales permettent, d'une part, d'évaluer le rôle combiné des
différents facteurs -
température d'abattage,
hygrométrie du bois, adjuvants éventuels, ...
- et leur impact respectif sur l'abattage, et, d'autre part, de retrouver le ou
(les) tour(s) de main -
technique de refente des
rondins et d'édification du bûcher, utilisation ou pas de fagots de feuillus,
... des mineurs
médiévaux. Cette connaissance acquise permettra d'aider à interpréter des
indices archéologiques souvent ténus et ingrats, et, de caractériser les
stigmates laissées par le feu sur les charbons.
Projet Savoir brûler,
savoir gérer le combustible chez les potiers et les mineurs méridionaux (XIe -
XVe siècles)
dirigé par
Aline Durand
- Laboratoire d'archéologie médiévale Méditerranéenne - LAMM UMR 6572
Aix-en-Provence.
Première version |
Dernière version |
Dernière correction |
Février
2006 |
Février
2006 |
Janvier
2013 |
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