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La Durance, une
spécialiste du coup !
La
Durance s'est faite une spécialité d'imposer son nom à un
affluent plus important qu'elle
(1).
Près de sa
source au pied du
Col de Montgenèvre, elle réussit le tour de force de
dominer
la Clarée dans laquelle elle 'se jette' en amont de
la Vachette. Ensuite, elle récidive avec la Guisane,
en aval de Briançon.
La vallée
de la Clarée, qui conduit à
Névache, est large, bien calibrée, longue de plusieurs
dizaines de kilomètres.
La Durance n'a pas de vallée, ce n'est qu'un
filet d'eau insignifiant de quelques kilomètres.
La
Guisane qui prend sa source au pied du Col du
Lautaret, bien alimentée par les glaciers des vallons du Grand et du Petit Tabuc,
l'emporte aussi sur
la Durance même grossie de la Clarée.
Oui, mais elle
descend de la crête faîtière, de la ligne de séparation des eaux
entre l'Adriatique et la Méditerranée, et surtout,
d'un col situé sur une voie de communication importante avant,
pendant et après l'époque romaine, de la mythique voie
héracléenne à la voie romaine des Alpes cottiennes. Comme il se doit pour être
respectable, Hannibal et ses éléphants seraient même passer
par là !
Évidemment les
anciens ne pouvaient pas avoir conscience de tout cela, mais il est
sûr que la grande vallée empruntée pour les communications avec la
côte méditerranéenne a été très anciennement connue et nommée. Le
nom de
Durance atteste de cette ancienneté qui remonte au fond des
temps. *DUR- et -*ANTIA sont deux radicaux hydronymes parmi les plus
anciens et les plus courants. On retrouve d'ailleurs ce radical
*DUR-
dans Doire, nom du cours d'eau sur le versant italien du
Col de Montgenèvre.
Va pour
le nom de
Durance depuis le pied du Col de Montgenèvre
jusqu'à la Méditerranée, ou presque (2). Mais
pourquoi la Clarée ne s'est-elle pas appelée plus
logiquement la
Durance,
comme avaient commencé à le faire les premiers cartographes des XVIe
et XVIIe siècles (3) ? Les géographes des XVIIIe et XIXe
siècles qui ont fixé la toponymie ne sont plus là pour répondre. De
toute façon, ce sont les Romains, qui n'ont considéré que l'axe de
communication Durance - Doire, qui sont les grands
responsables.
Notre
Durance ne se contente pas de dominer
la Clarée, puis
la Guisane, elle refait le coup une troisième fois
avec l'altière
Gyronde, cours d'eau encore beaucoup plus puissant qu'elle,
qui draine la Vallouise dans une vallée bien plus
amble. Elle doit même se faufiler dans des gorges étroites pour
franchir le palier de 200 m qui sépare les fonds de vallée des deux
cours d'eau, mais qu'importe elle finit par avoir le dernier mot
(3).
Eh oui ! en s'en tenant aux débits, c'est la Gyronde qui aurait dû
rejoindre le Rhône !
C'est bien la
grande voie de communication protohistorique par le col de Montgenèvre,
d'abord la mythique voie héracléenne, puis la voie romaine des Alpes
cottiennes, qui a donné la prééminence à la Durance, d'abord sur la
Clarée, puis sur la Guisane, enfin sur la Gyronde, alors qu'elle a un
débit plus faible que chacun de ces affluents. À côté, les vallées
successives de la Clarée, de la Guisane et de la Gyronde étaient des
vallées secondaires par rapport à la principale voie de communication
terrestre entre l'Espagne et l'Italie.
Notes :
1. La règle
usuelle en géographie est que lorsque deux cours d'eau se
réunissent, l'affluent est celui qui a le plus faible débit moyen.
Mais l'histoire a généré plusieurs exceptions. Par exemple, la Seine
s'est imposée d'abord à l'Aube, puis à l'Yonne, le véritable fleuve
virtuel.
2. La Durance conflue avec le Rhône aux environs d'Avignon,
mais dans des temps plus reculés, elle était un véritable fleuve et
rejoignait directement la mer.
3. Voir
ci-dessous :
|
Vallée de la Clarée ou vallée de
Névache |